Voir Égyptomanie … helvétique ?

Voir Égyptomanie …helvétique ?
Horus EyeDire que l’Egypte est visible partout en Suisse en ce moment relève plutôt de l’euphémisme. J’ai pourtant la conviction que l’Egypte est mieux illustrée à l’étranger qu’en terre des Pharaons. La preuve. En Valais, la Fondation Gianadda à Martigny exhibe, jusqu’au 8 juin, des Offrandes aux Dieux d’Egypte, d’Isis à Hathor, en passant par l’implacable Anubis (photo(. Zurich n’est pas en reste. La ville propose jusqu’au 29 mai un plan audacieux du point de vue de l’exposition classique : Toutankhamon – Son tombeau et ses trésors. Une reconstitution grandeur nature de la tombe de l’enfant-pharaon. Contrairement à l’exposition organisée en 2004 à Bâle pour ce monarque emblématique, celle de Zurich ne présente aucun objet original. Des répliques des objets majeurs trouvés dans sa tombe en 1922 sont exposées, dont le fameux masque funéraire qui ne quitte plus l’Egypte depuis 1981. Cinq ans de travaux ont été nécessaires pour concrétiser cette exposition. Un film documentaire, qui mêle faits historiques et fantaisistes, l’accompagne. Un « divertissement éducatif », selon l’organisateur. Quant au Salon du Livre de Genève, il reçoit du 30 avril au 4 mai l’Egypte littéraire en tant qu’invitée d’honneur pour sa version de 2008. Un pavillon pharaonique accueillera les visiteurs. Diverses manifestations sont prévues en présence de la dernière génération des écrivains de la Vallée du Nil. Les enfants de Mahfouz d’abord : Ibrahim Aslan, Mohammed Al’Bisatie, Gamal Al’Ghitany, Bahaa Taher et Sonallah Ibrahim. Viendront ensuite l’inévitable Alaa Al’Aswani et probablement Khaled Al’Khamissi. A voir absolument. Des excès d’égyptomanie seraient donc à prévoir, voire tolérés.


Martigny : www.gianadda.ch/wq_pages/fr/… Zurich : www.tut-ausstellung.com/home… Genève : www.salondulivre.ch/fr/index…
Écouter La Beauté tout en musique
en musiqueEst-il logique de classer Anouar Brahim dans la catégorie Jazz ? Trop vite ! Trop injuste ! Cet enfant de Tunisie est un virtuose de l’Oud. Un luthiste de génie. Son expression souveraine nous distille une juste nostalgie tout en nous rappelant un passé inaccessible, mais néanmoins présent. Élégance, douceur et sobriété ; tel est l’univers de ce compositeur unique. Ses notes semblent couler d’une fontaine andalouse, là-bas où gît un passé chargé de senteurs et de souvenirs. L’oud dialogue avec le piano*, flirte avec l’accordéon*, s’écarte, se distingue, culmine puis rejoint ses deux compères dans une maîtrise céleste. Son dernier opus, Le Voyage de Sahar est à lui seul un voyage dans la beauté, tout en musique. Anouar Brahim ? Hors catégorie. “Sur le fleuve” ne précède pas seulement “ Le Voyage de Sahar”, mais coule dedans. “Cordoba” ajoute un moment d’émotion et de grâce : mystère du passé ou fuite du présent ? “Les jardins de Ziryab” invite à s’y réfugier, à s’y égarer. Le Calife abbasside, Al’Watheq, disait du chanteur Al’Mawsili qu’il agrandissait son royaume, chaque fois qu’il chantait. Anouar, lui, nous livre une interprétation lumineuse d’une musique intimiste qui suggère l’Andalousie arabe tout en insufflant un murmure d’un autre temps : le temps splendide.


*Anouar Brahim / Oud – François Couturier / Piano -Jean-Louis Matinier / Accordéon Le Voyage de Sahar – Anouar Brahim – EMC Records GMBH – 2007
Alex Caire, poète et critique littéraire francophone d’origine égyptienne