L’esclavage et son parcours abolitionniste : un devoir de mémoire. Par Roch Alfred KIKI (BENIN)

L’histoire de l’humanité est faite d’évènements et de séries d’évènements particuliers. Les peuples aussi différents qu’ils sont, ont marqué chacun leur époque d’empreintes particulières. Ces empreints témoins de faits historiques méritent d’être rappelés aux générations présentes et futures pour une bonne édification de l’humanité. Ainsi, nous avons un devoir de mémoire, celui de rappeler l’esclavage dans son contexte historique sans oublier d’évoquer ces implications pour en restaurer la mémoire de ces illustres qui ont combattu pour la liberté.
Contextualisation du fait.
L’esclavage est un fait marquant de l’humanité et on ne cessera jamais d’en parler assez. L’histoire de l’esclavage est celle des différentes formes prises par la condition sociale d’êtres humains privés par d’autres du droit de propriété sur eux-mêmes. Bien que l’esclavage soit mentionné dans les premières civilisations écrites, les conditions de son émergence restent encore floues aux yeux de l’humanité. Il n’existe pas de sources sures capable de déterminer avec précision son histoire. Le statut et la fonction de l’esclave ont varié en fonction du temps et de l’espace : les sources et les justifications de l’esclavage, la position et les tâches matérielles conférées aux esclaves ainsi que les conditions de sortie de la condition d’esclaves sont autant d’éléments qui confèrent sa spécificité à chaque configuration historique.
Le fameux commerce triangulaire.
L’esclavagisme serait parti du commerce triangulaire instauré par les européens aux abords des côtes des caraïbes et de l’Atlantique. Il se fait entre l’Europe ; les Amériques et l’Afrique. A partir de 1674, le commerce triangulaire fut la base économique du développement des plantations dans les colonies des Amériques, aux Caraïbes comme dans les États sudistes nord-américains. Le chemin des marchands d’esclaves partait des ports atlantiques ; ils échangeaient des produits manufacturés contre le « bois d’ébène » et les revendaient pour les plantations. Les nations principales le pratiquant étaient l’Angleterre, le Portugal, la Hollande, la France. Par ailleurs, il connait un essor exceptionnel à partir de 1674, l’année où les Français et les Anglais se lancent en même temps sur le marché et disputent aux Hollandais, d’abord discrètement, le monopole du transport des esclaves de la côte africaine vers les Amériques, où deux grandes îles, la Jamaïque et Saint-Domingue et trois petites, la Martinique, la Guadeloupe et la Barbade deviennent la principale zone mondiale d’importation des esclaves.
L’arrivée des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d’Afrique fait brutalement monter le prix des esclaves, entraînant le développement de nouveaux circuits d’approvisionnement à l’intérieur du continent, qui affaiblissent les sociétés africaines traditionnelles. C’est le début d’une histoire triste qui sera plus tard mêlée à la mélancolique des noirs asservis. Des agitations pour l’obtention de la liberté commenceront par s’annoncer timidement.
Un combat noble pour la liberté et l’égalité.
Des nègres marrons ce fut tels ils étaient désignés ces esclaves. L’évolution des sociétés européennes en terme de revendication des travailleurs a suscité chez ces esclaves l’envie et le désir de se libérer eux aussi des peines et souffrances que leurs faisaient endurer leurs maitres. Ainsi, ils en viennent à revendiquer l’abolition de l’esclavage au cours d’une cérémonie vaudou au Bois-Caïman, près de Morne-Rouge, sous la direction d’un prêtre vaudou, Boukman, le 14 août 1791. Cette manifestation a causé des dégâts humains et matériels tant du côté des esclaves que du camp des blancs. Tout comme si ils n’étaient pas satisfaits, ces esclaves déclenchent une insurrection violente dans la nuit du 22 au 23 août 1791 à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Esclaves noirs et affranchis revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs. C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de l’île.
International NewspapersL’exception haïtienne. À Saint-Domingue, il y eut plusieurs révoltes dont celle de 1702. Mais c’est en 1791 que profitant des troubles issus de la Révolution française de 1789 et galvanisés par les idées de liberté, d’égalité et de fraternité, François-Dominique Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Henri Christophe, Alexandre Pétion et André Rigaud ont dirigé la seule rébellion d’affranchis et d’esclaves noirs qui ait été menée à terme.
En 1794, l’Assemblée nationale française proclame l’abolition de l’esclavage mais celui-ci est rétabli en 1802 par Napoléon 1er, dont l’épouse Joséphine de Beauharnais vient d’une famille de planteurs esclavagistes. Napoléon envoie contre Saint-Domingue plusieurs flottes de répression représentant un total de 45 000 hommes dont plus de la moitié vont périr des maladies tropicales. En 1804, l’ancienne colonie française de l’île Saint-Domingue est devenue Haïti. Elle n’obtiendra plus tard son indépendance de Charles X qu’au prix élevé de 90 millions de francs-or.
Esclavage contemporain. L’esclavage n’a cependant pas totalement disparu dans certaines régions du monde, comme la péninsule arabique ou le sous-continent indien. L’OIT estime à 25 millions le nombre de personnes vivant actuellement dans des conditions assimilables à de l’esclavage, d’où le terme « esclavage moderne ». Selon l’ONU, chaque année, deux millions de personnes sont réduites en esclavage. Nous pouvons évoquer le Soudan avec l’instauration de la Charia par les musulmans du nord qui l’appliquent de force aux noirs chrétiens et animistes du sud qui se sont rebellés. Au Rwanda avec le génocide 1994, il s’est développé dans ce pays une forme de travail forcé réduisant des enfants à des objets. C’étaient le début de l’aventure des enfants soldats de Kigali. Cette exploitation à des fins illégales est l’une des nouvelles formes que prend l’esclavage moderne. Rajoutons aussi le travail auquel les enfants sont assujettis dans les champs de mines et le tourisme sexuel qui constitue aujourd’hui une preuve de l’existence de l’esclavage dans les sociétés modernes.
Implications.
L’esclavage a détruit à jamais le mode de vie et de fonctionnement des sociétés traditionnelles africaines. Des braves, des ressources et la grande intelligentsia de l’Afrique sont exportés comme des marchandises pour servir dans les plantations de cannes à sucre et autres. C’est le premier évènement qui détruit l’Afrique avant la colonisation. Un crime que les auteurs mettront tant d’année à reconnaitre vient d’être commis. Nous devons cette reconnaissance aux efforts inlassables de Christiane TAUBIRA de la Guyane. Devoir de mémoire envers donc ces braves hommes et femmes de l’époque ancienne et contemporaine. C’est ainsi que la date du 23 août de chaque année fut instituée pour célébrer la Journée Internationale de l’Abolition de l’Esclavage. Honneurs et mérites à ces chantres. Souvenons-nous chaque fois de cette date. rocohkiki@yahoo.fr