
De Sumer à Lausanne : le pinceau de Faik Al-aboudi prolonge l’histoire
- par Abdelwahid Mohamed
Il n’est ni un artiste de passage, ni un homme conventionnel dans sa vie. Faik Al-aboudi est une rareté artistique, une âme qui peint avec l’émotion de l’esprit et la magie des couleurs, un musicien des formes dont les doigts savent poser la note de l’émerveillement au cœur du spectateur.
Artiste irako-suisse, Al Oboudi ne se contente pas de peindre : il écoute… Il écoute la douceur de sa voix intérieure. Et lorsque l’on contemple ses œuvres tout en prêtant l’oreille à cette voix intérieure, son âme vous transporte des rives du Tigre et de l’Euphrate, du cœur de l’Histoire, des mélodies du maqâm irakien et de la voix envoûtante de Nadhim Al-Ghazali, vers les récits de Lausanne qui lui ont offert la beauté, le calme du lac Léman et la pureté des Alpes enneigées.
Ses tableaux marient les couleurs aux psaumes d’une histoire ancienne. Chaque touche de peinture devient un hymne sumérien qui nous emporte loin dans le passé ; chaque ombre, un récit encore inachevé.
Ses toiles conservent toute leur magie, comme le temps garde la mémoire irakienne, tissée de gloire et de douleur.
Le roman arabe racontera-t-il un jour un chapitre sur Faik Al-aboudi ?
Peut-être en avons-nous besoin. D’un roman né de son atelier, de cette « chambre du voyageur » qui l’emmène entre Bagdad et la Suisse, la Chine et le Canada, Amsterdam et Paris, transportant ses douleurs et les symboles de sa civilisation comme un passeport spirituel, invitant l’autre à une exploration sans fin.
Ses toiles ne sont pas de simples compositions visuelles. Ce sont des chapitres d’un récit irakien authentique où résonnent les voix de Nabuchodonosor, d’Ishtar, de Shéhérazade… et à travers un langage symbolique, elles racontent l’histoire de tous ceux qui sont passés par là : de Sumer à Babylone, d’Assur aux confins du rêve arabe contemporain.
Faik Al-aboudi ne peint pas seulement, il écrit le roman par le biais des symboles anciens. Il dessine le temps et chante pour une civilisation encore vivante dans la conscience de son art, et dans chaque détail de ses œuvres, où il signe de son nom irakien… et de son passeport suisse.
Un artiste issu de la mémoire de l’argile
Lorsque le symbole devient un pont entre le passé et l’âme dans un monde où la mémoire s’efface peu à peu, l’artiste irako-suisse Faik Al-aboudi se dresse en gardien fidèle et noble à la porte du temps.
Il ne porte pas d’arme, mais un pinceau. Il ne crie pas, mais murmure par les couleurs. Et de ses doigts naît le symbole, non comme une parure décorative, mais comme un code vivant, enraciné dans l’argile, respirant à travers la toile.

Abdelwahid Mohamed
Faik ne peint pas le réel, car il sait que le réel est fragile, éphémère.
Le symbole, lui, survit à la chute des villes, à la disparition des peuples.
Il traverse les âges, gravé sur les sceaux d’argile, les murs des temples et les clous de la première écriture.
Dans les toiles de Faik, pas de paysages, ni de visages, mais quelque chose de plus profond : les symboles sumériens.
Chez lui, le symbole n’est pas un ornement, mais une mémoire comprimée, une clef pour comprendre l’être, et fuir un présent provisoire vers une histoire longue et dense.
Chaque trait de pinceau porte la trace d’une ancienne blessure, une sagesse oubliée, ou une nostalgie encore vibrante.
Pour lui, l’exil n’est pas seulement quitter un lieu, mais perdre un contexte. Et lorsque le contexte s’efface, il ne reste que les symboles pour rappeler à l’homme qui il est.
Ainsi, il ne peint pas pour « exposer », mais pour « convoquer ». Il convoque le passé glorieux de l’Irak, non comme nostalgie romantique, mais comme cri visuel qui dit :
« Nous étions là… et nous y sommes encore. »
En Suisse, où tout est ordonné, calme, froid, Faik vit sa propre tempête créative dans un petit atelier où les couleurs crient et les symboles gémissent.
Il peint comme s’il gravait dans le mur de l’oubli, comme si chaque tableau était un corps sculpté, prolongeant ce qu’avait commencé l’homme sumérien, il y a des millénaires.
Chaque toile est une tentative de redéfinir la patrie, non pas comme géographie, mais comme mémoire.
Une patrie faite d’argile, écrite dans une langue que l’on ne prononce pas, mais que l’on ressent.
Faik dit :
« Je suis un artiste venu d’un temps ancien… à l’époque où les symboles disaient plus que les mots. Je cherche mon identité dans l’histoire ancienne. Je vois mes traits dans les lignes de la première écriture, gravées par mes ancêtres sumériens avant même que je sache parler. »
Aujourd’hui, je grave ces symboles sur mes toiles, et à travers ma propre technique, je les rends capables de toucher les âmes.
Voilà Faik Al-aboudi : son corps vit en Suisse, entre le lac Léman et les ruelles de la vieille Lausanne, mais son esprit erre dans la ville de Sumer, marche dans les souks de Babylone, et gravit les ziggourats d’Ur.
Sa brosse est une plume qui cherche à écrire ce qu’il reste du rêve.
Artiste exceptionnel, il a porté l’Irak dans chacun de ses voyages, comme un acte de fidélité envers cette terre millénaire.
L’expérience plastique de Faik Al-aboudi est un mélange unique d’art et de mémoire culturelle profonde.
Son œuvre ne se contente pas d’exprimer le passé, elle le recrée à travers des symboles porteurs de significations et de souvenirs.
Chaque trait, chaque symbole dans ses toiles est plus qu’une forme esthétique : c’est une marque d’identité, d’existence, et de mémoire collective enracinée dans l’Histoire.
Son regard sur l’exil révèle son ancrage aux racines.
Même en Suisse, il ne voit pas l’exil comme une question d’espace, mais comme une perte du contexte culturel, qu’il restitue dans son art.
Ainsi, il ne ressuscite pas seulement le passé, il le ravive, et chaque toile devient un témoignage du présent de l’Irak dans son âme.
Le retour à l’argile, tel est le rêve. L’authenticité d’un fils de la Mésopotamie.
Cet artiste d’exception habite un roman arabe universel sans frontières, porté par une philosophie de paix, d’appartenance, de nostalgie et de fidélité à la patrie.
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