Ils ont 12 ans, parfois moins, parfois plus, et sur la conscience plus de morts que certains criminels qui peuplent nos prisons. Ils, ce sont les enfants soldats. Enrôlés de force, « recrutés » comme le dit de façon hypocrite l’ONU qui sait pourtant que la réalité est bien différente. Il n’est qu’à écouter ce que raconte Salif pour s’en convaincre.
« J’avais 11 ans, et ma sœur 7. C’était son anniversaire et mes parents, tous deux instituteurs, avaient préparé une belle fête. J’étais heureux.
Ce matin là, des hommes en armes ont fait irruption dans la classe et nous ont fait mettre en rang. Nous avions peur. Quelques enfants se sont mis à pleurer. Les hommes ont demandé à une petite fille de venir vers eux et sans un mot, ils l’ont coupée en deux avec une machette. Plus personne ne pleurait. »
Salif n’a jamais revu sa sœur. Ni ses parents. Il vit maintenant aux Etats-Unis où il a refait sa vie après une longue période d’adaptation -de réadaptation ? Il semble heureux si toutefois ce mot a encore un sens pour lui. Parfois il me demande : « crois-tu que je sois un criminel ? »
De nombreux pays pratiquent toujours le recrutement d’enfants soldats. Ne nous voilons pas la face, le phénomène n’est pas nouveau. C’est le cas au Liberia, au Tchad, en Sierra Leone, en Cote d’Ivoire, en RDC, en République Centre africaine, en Syrie, en Libye. La liste est longue mais non exhaustive. C’est maintenant au tour du Mali d’y figurer.
L’ONU a beau dénoncer l’enrôlement forcé d’enfants au sein des groupes armés, cela n’empêche pas cette pratique de perdurer. Au Mali, les groupes armés rebelles-le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujuao), le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) enrôlent des enfants. Ils ne sont pas les seuls. Les milices pro-gouvernementales en recrutent également. Ces derniers temps, on a évoqué la présence d’enfants combattants dans les rangs des groupes armés. Pour certains experts, « Il n’y a pas de précédent au Mali. On a maintenant la certitude que des centaines d’enfants qui sont enrôlés dans des groupes armés. »
Alors que les garçons servent de porte-flingues, les filles –leur nombre est apparemment minime, subissent des violences sexuelles et sont le plus souvent forcées de se marier avec ce qu’on appelle communément « Des seigneurs de la guerre ».
Il est rare que des enfants décident de s’engager volontairement. Lorsqu’ils le font, c’est toujours pour des raisons financières. Le Mujao par exemple, promet des compensations financières aux parents ou aux enfants. Parfois, les groupes armés passent des annonces sur les radios locales ou recrutent dans des écoles coraniques. Dans certains cas, les enfants sont tout simplement vendus à des groupes armés islamistes. Mais le plus souvent, ils sont enrôlés de force et formés au maniement des armes.
Ceux qui ne sont pas morts sont enrôlés dans d’autres groupes armés. Les autres, s’ils ont la chance de revenir, sont rejetés par leur famille qui ne veut pas d’un criminel. Le problème qui se pose alors, est celui de la réintégration de ces enfants au sein d’une société qui n’en veut plus.
La mission pour le maintien de la paix des Nations unies qui vient de se mettre en place au Mali et qui devrait prendre les droits humains en considération, parviendra-t-elle à endiguer ce phénomène ? En aura-t-elle la volonté ?
Célhia de Lavarène New York août 2013