Interview de l’ambassadeur Yacouba Cissé de la République de Côte-d’Ivoire
Q : Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai fait toutes mes études primaires, secondaires et universitaires en Côte d’Ivoire avant de me rendre à Ottawa au Canada pour poursuivre des études supérieures en droit. École primaire à Gagnoa, secondaire à Daloa et supérieure à Abidjan à la Faculté de droit de l’Université Nationale de Côte d’Ivoire. Après une licence et une maîtrise en droit carrière publique, je pars au Canada pour préparer un master es sciences en administration des affaires maritimes à l’Université du Québec à Rimouski, et ensuite à Ottawa pour soutenir ma thèse de doctorat en droit à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Ma thèse de doctorat a porté sur le droit des espaces maritimes et les contributions des États africains au développement de ce droit. Au plan professionnel j’ai été professeur de droit international, puis avocat au barreau d’Abidjan et membre réélu de la Commission du Droit International des Nations Unies en 2021 pour un second mandat. Cette Commission a son siège statutaire ici même à Genève. J’assume de temps en temps de consultant international pour les problématiques liées au droit maritime et droit de la mer, notamment les négociations et les contentieux de la délimitation des espaces et des frontières, ainsi que les différends les ressources naturelles maritimes entre États. Depuis 2020 je suis ambassadeur et Directeur de la Fonction Publique Internationale au Ministère d’État, Ministère des Affaires Étrangères, de l’Intégration Africaine et de la Diaspora. Vu les services rendus à la Nation, le Président de la République, S.E.M Alassane Ouattara a bien voulu m’élever au grade d’officier de l’ordre national et de Chevalier dans l’Ordre du Mérite Maritime de Côte d’Ivoire.
Q : Vous êtes directeur de la Fonction Publique Internationale au Ministère des Affaires Étrangères de votre pays et membre réélu à la Commission du droit International des Nations Unies. Pourriez-vous nous parler de ce que vous faites au sein de ces deux structures ?
D’abord comme Ambassadeur et Directeur de la Fonction Publique Internationale au Ministère d’État, Ministère des Affaires Étrangères, de l’Intégration Africaine et de la Diaspora : notre Direction qui a d’abord été créé par un Décret du Président de la République en 2012, avec pour attributions, entre autres, de faire en sorte qu’une masse critique d’Ivoiriens puisse intégrer les organisations internationales sur le continent africain et dans le système multilatéral des Nations Unies. Un temps la Côte d’Ivoire a privilégié la stratégie de la captation de toutes ses ressources humaines les plus compétentes pour contribuer au développement du pays. Cette stratégie a permis ce qu’il était convenu d’appeler le « miracle ivoirien » avec de solides acquis dans plusieurs domaines. Bien entendu la stratégie n’a pas été sans coûts, puisque la fonction publique internationale ne faisait pas partie des priorités nationales, ce qui a eu comme conséquence une faible représentation ivoirienne dans les organisations internationales africaines et dans celles du système des Nations Unies. L’avènement du Président Alassane Ouattara à la tête de la magistrature suprême de notre pays, est perçu comme un changement de cap, puis-qu’étant lui-même un fruit du système onusien et ayant de surcroît occupé le poste élevé de Directeur Général Adjoint du Fond Monétaire Internationale, il comprend l’importance d’une plus grande présence ivoirienne dans les Organisations internationales les plus pertinentes.
Ensuite comme membre de la Commission du Droit International des Nations Unies (CDI) : je devais avant tout préciser que les membres de cette Commission sont élus au scrutin secret par l’Assemblée Générale des Nations pour un mandat de 5 ans et sont rééligibles. Ils sont élus sur la base de la répartition géographique équitable et tenant compte de leur compétence notoirement reconnue dans le domaine du droit international : j’interviens comme expert indépendant pour contribuer à la réalisation de deux missions fondamentales que l’Assemblée Générale des Nations à confiées à cet organe subsidiaire des Nations Unies, à savoir la codification du droit international d’une part et d’autre part le développement progressif du droit international et ce depuis 1947. En plus de soixante et dix ans d’existence, la Commission du Droit International a été saisie de plusieurs sujets d’importance fondamentale pour la communauté internationale et a proposé à l’Assemblée Générale des Nations Unies des projets d’articles, des projets de conclusion, des projets de principes, des projets de directives et des rapports ou études. Durant le prochain quinquennat, les sujets à être examinés par la Commission sont : « la piraterie et le vol à mains armées en mer », « l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international », « les principes généraux du droit », « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », « les moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international », « le règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties » et « la succession d’États en matière de responsabilité de l’État ».
Q: Pensez-vous que le multilatéralisme est en danger actuellement ? Si oui, comment peut-on remédier à cette situation ?
C’est vrai que le multilatéralisme puisse être en danger à des périodes données de l’histoire des relations internationales. En effet, face aux intérêts des grandes puissances, le multilatéralisme a été quelque fois , sinon à plusieurs reprises, ébranlé dans ses grands principes fondamentaux et l’actualité internationale ces dernières années ne fait que confirmer cela. Il ne s’agit pas d’un danger de mort du multilatéralisme et fort heureusement, puisque ce système a fait montre de résilience à travers la célébration en 2020 de son centenaire d’existence depuis la création de la Société des Nations en 1920 jusqu’à l’avènement de l’Organisation des Nations Unies qui a poursuivi, bon an, mal an, l’œuvre de construction multilatérale, la seule capable d’apporter des réponses globales à des enjeux et défis globaux qui transcendent les notions de territorialité et de frontières. Le multilatéralisme fonctionne bien dans les domaines plus techniques. Il peine par contre et par moments à s’affirmer efficacement dans les matières de grande sensibilité politique et humanitaire ou le souverainisme a tendance à prendre le dessus sur le respect des règles et principes du droit international.
Mais en même temps que l’on s’interroge sur l’efficacité du multilatéralisme à créer et maintenir une société internationale plus juste et équitable, l’on admet qu’il constitue une chance pour les pays en développement de pouvoir prendre part aux grands enjeux et débats qui concerne le monde et leur donne la possibilité de revendiquer tel ou tel droit légitime. Tout n’est certes pas parfait dans le multilatéralisme à en juger par les blocages récurrents dans l’adoption de nombre de résolutions au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, mais des progrès ont été enregistrés dans d’autres domaines ou le sensationnel ou l’émotionnel n’a pas prospéré
L’ONU et sa charte sont les garants du multilatéralisme. On a même pu dire que l’ONU est un mal nécessaire et qu’il aurait fallu même l’inventer si elle n’avait pas été créée. Pour remédier à cette situation, d’aucuns ont évoqué et plaidé en faveur d’une réforme du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Plusieurs propositions ont été faites et pour ma part un élargissement du membership à d’autres États ou d’autres régions du monde avec droit de veto à l’instar des cinq permanents pourrait changer la donne dans la résolution des grandes crises ou problématiques qui concernent l’avenir de la communauté internationale dans son ensemble.
Q : Vous êtes un expert en droit international de la mer. Quels sont les enjeux internationaux dans ce domaine actuellement ? Est-ce que c’est difficile de faire respecter les droits ?
Ils sont nombreux ces enjeux. Tout ce qui concerne les mers et les océans est par leur nature même un enjeux global, puisque transcendant les frontières et les seuls intérêts des États pris individuellement. Ce sont des enjeux dits transnationaux, parce que globaux. Je pourrai de manière sommaire en citer quelques-uns : Actuellement les plus pressants et brûlants sont l’élévation du niveau des océans et des mers du fait des changements climatiques. Cette problématique est au centre des débats au sein de l’Assemblée Générale des Nations Unies et la Commission du Droit International s’en est saisie dans le cadre d’un groupe d’étude dont je suis membre. Pour ce sujet, plusieurs problématiques sont à l’étude, à savoir l’élévation du niveau de la mer dans sa relation avec les problèmes de relevant du droit de la mer, notamment les frontières et les lignes de base à l’effet frontières nationales. Je donnerai aussi comme enjeu, l’exemple de la protection de l’environnement marin contre la pollution plastique qui est devenue des dernières années un sujet de préoccupation mondiale. Il est même question de faire adopter une nouvelle convention de portée multilatérale pour juguler les effets néfastes des plastiques sur la protection de la biodiversité marine et la sécurité globale du milieu marin.
A cet enjeu, s’en ajoutent d’autres : il s’agit de la pollution qui résulte de l’exploration et l’exploitation très prochaine des ressources minières des grands fonds marins au-delà des espaces maritimes sous juridiction nationale, c’est-à-dire au-delà de la limite des 200 milles marins des côtes, soit l’équivalent d’un peu plus de 370 km à partir des lignes de base, à marée basse. Il s’agit de la partie des mers et des océans réputée être le Patrimoine Commun de l’Humanité et qui se trouve donc n’être juridiquement sous la souveraineté d’aucun État. Sur cette partie de la mer aucun État ne peut revendiquer ni droits ni juridiction. L’enjeu majeur ici consiste à faire en sorte que les ressources minières, appelées nodules polymétalliques, puissent être exploitées sans dommages irréversibles pour l’environnement marin et dont les revenus tirés de cette exploitation doivent être équitablement redistribués, et en priorité en faveur des États en développement.
Un autre enjeu de taille est la protection de la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales, c’est-à-dire en haute mer et dans les eaux ne relevant de la juridiction d’aucun État, ou encore dans la zone des grands fonds marins internationaux. La controverse au sujet de cette problématique porte sur le statut des ressources génétiques marines, puisque d’un côté les États en développement estiment que ces ressources font partie du Patrimoine Commun de l’Humanité et dont les bénéfices doivent être équitablement redistribués, de l’autre côté, les pays développés qui considèrent ces ressources comme des ressources de la haute mer qui échappent à toute réglementation, ni nationale ni internationale. Autrement dit, pour ces derniers les ressources biologiques marines au-delà des juridictions nationales sont des res nullius, c’est-à-dire des biens vacants dont la propriété revient à l’État qui en a fait la première découverte. Après plusieurs cycles de négociation, l’Assemblée générale de l’ONU par sa résolution 72/249 du 24 décembre 2017 a convoqué une conférence intergouvernementale en vue de l’adoption d’un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales, sous l’appellation Biodiversity Beyond National Jurisdiction, (BBNJ). Cette résolution devait examiner les recommandations du Comité Préparatoire crée par la résolution 69/292 du 19 juin 2015 aux fins d’adopter un texte dont la portée serait contraignante pour les Etats parties et se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 à Montego Bay et en vigueur depuis 16 novembre 1994 après le 60ème instrument de ratification. En effet, le constat est que ces trois ou quatre dernières décennies, la haute mer et les eaux ne relevant de la juridiction d’aucun État, au nom de la liberté de la haute mer, ont été les théâtres d’activités anthropiques dont les conséquences ont été néfastes pour les espaces et les ressources maritimes : pollution marine de sources multiples, surpêche, exploration et exploitation minière et minérale, réchauffement global du climat et en particulier des océans et l’effet d’acidification du milieu marin et la diminution constante des ressources biologiques sont autant d’impacts sur la conservation de la biodiversité marine au-delà de la limite des 200 milles marins des côtes. C’est l’exploitation des ressources génétiques marines au-delà des espaces sous souveraineté et juridiction nationale, qui aura suscité les plus grandes dissensions et controverses lors des négociations. Il s’agit des ressources dont l’origine peut être végétale, microbienne ou animale avec des propriétés génétiques et biochimiques nécessaires à la fabrication des produits cosmétiques et pharmaceutiques susceptibles de soigner certaines maladies graves. Formidable puits de carbone, les espaces maritimes au-delà des juridictions nationales jouent par ailleurs un rôle capital dans l’équilibre de la planète en général et des océans en particulier. Le défi reste donc celui de conclure un nouvel accord contraignant et à vocation quasi universelle dont l’épine dorsale est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, en tant que convention-cadre. Le 5ème round des négociations dont on espérait qu’il devait déboucher sur un traité définitif, n’a pu atteindre cet objectif dans le temps imparti. Loin d’être un échec des négociations, il s’agit plutôt d’un recul pour mieux sauter le temps des conciliabules pour s’accorder sur ce qui divise, tout en gardant à l’esprit la recherche du consensus en vue d’une adoption prochaine du futur traité multilatéral. Dans cette perspective, il est prévu une reprise du 5ème round (5ème session) prévue se tenir du 20 février au 3 mars 2023 à New York ou seront ré-examinés les points en suspens, notamment celui relatif aux ressources génétiques marines, y compris les questions relatives au partage des avantages devant être tirés de l’exploitation de telles ressources, en éliminant les incertitudes découlant des activités de bio-prospection.
La pêche illégale, non réglementée et non comptabilisée(IUU Fishing) apparaît comme une problématique majeure causant d’énormes préjudices pour l’économie maritime d’une grande majorité des pays en développement, surtout des pays africains. Il s’agit là d’une activité illicite en droit des pêches maritimes internationales, car en violation des normes et principes de pêches établis par les organisations régionales de pêche, ainsi que par les normes établies par la FAO. Parmi les causes de ce phénomène l’on peut citer la problématique des subventions aux pêches dont l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’est saisi en vue d’y apporter les réponses juridiques appropriées et la forte capitalisation de l’industrie des pêches, et les pavillons de complaisance et des navires fantômes. Les impacts des pêcheries illégales sont bien plus perceptibles en Afrique ou les États côtiers africains perdent des revenus faramineux chiffrés en dollars américains et une réduction de plus en plus croissante des ressources en protéines animales dont vivent la grande majorité des peuples africains.
La problématique de la sécurité et de la sûreté maritime qui, ces quinze dernières années a été au cœur des préoccupations de la communauté internationale dans son ensemble et surtout pour l’industrie des transports maritimes et portuaires. En effet la piraterie maritime et les vols à mains armées en mer, deux criminalités qui ont connu une recrudescence dans toutes les mers du monde et particulièrement en Afrique, dans le Golfe de Guinée et dans l’Océan Indien au large des côtes somaliennes constituent de sérieuses menaces pour la liberté de la navigation et le développement du commerce maritime. Pour prévenir et réprimer ces criminalités, il a fallu la coalition des grandes puissances maritimes du monde, notamment les forces navales européenne, américaine, chinoise, russe, britannique, etc., pour enrayer ce fléau, sinon de réduire sensiblement son nombre. L’enjeu ici consiste, en tenant compte de l’évolution du droit international de la mer, et au regard de la pratique législative et judiciaire des États, à revisiter la définition du concept de piraterie maritime dans une perspective de codification ou de développement progressif d’une part et d’autre part de faire une distinction claire entre la piraterie maritime et le vol à mains armées en mer. L’objectif sera de proposer des projets d’articles en vue d’une éventuelle adoption d’un nouveau traité multilatéral sur de telles criminalités. Pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui a pendant longtemps fait valoir son leadership maritime en Afrique en mettant sur les principales lignes maritimes du monde son armement national de près de 25 navires, il s’agit pour elle d’exprimer sa nouvelle ambition maritime qui passe par l’acquisition récente de plusieurs navires de guerre (les navires Émergence, le Bouclier, Sekongo, Le Contre-Amiral Fadika) affectés à la surveillance et à la défense des côtes et des espaces maritimes sous juridiction ivoirienne.
Enfin, à la question de savoir s’il était difficile de respecter les droits en ces matières, je voudrais avec votre permission renverser la question en demandant s’il était plutôt difficile de respecter les obligations. En principe l’exécution des obligations découlant d’un traité international, qu’il soit bilatéral ou multilatéral, procède du consentement des États à être lié par ces obligations. C’est le fameux principe de la pacta sunt servanda, qui veut que les États exécutent de bonne foi leurs obligations conventionnelles. Et c’est ce consentement qui constitue le fondement juridique de l’obligation d’exécuter les traités internationaux. En partant de ce principe, ce ne devrait pas être difficile de respecter les obligations conventionnelles puisque toutes ces problématiques ci-dessus examinées, ont fait l’objet de négociations qui se sont terminées par la conclusion et l’adoption d’instruments juridiques multilatéraux. Un État ne peut exercer ses droits conventionnels sans mettre en œuvre les obligations correspondantes.
Q : Quel est le rôle de la Côte- d’Ivoire dans les organisations régionales telles que la CEDEAO ?
La Côte d’Ivoire a toujours été à l’avant-garde des initiatives de construction régionales africaines, de pacification et de stabilisation du continent africain en général et plus particulièrement de la région de l’Afrique de l’Ouest. Le père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, feu le Président Félix Houphouët Boigny a travaillé sans relâche à l’instauration d’un climat de paix et à la promotion économique des 15 États de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, membres de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Et l’on se souvient encore que nombre de conflits interétatiques de la région ont été réglés à Abidjan ou Yamoussoukro sous la médiation sage et éclairée du Président Houphouët. Son digne successeur, le Président Alassane Ouattara s’inscrit dans cette démarche pacifiste, puisque sous son leadership et en qualité de Président de la CEDEAO de 2012 à 2014, plusieurs crises ont trouvé des règlements pacifiques. Ainsi, sous son impulsion, son engagement personnel et sa force de persuasion, il a su convaincre les partenaires internationaux et africains de la nécessité et de l’urgence de déclencher l’Opération Serval pour enrayer le terrorisme qui sévit depuis longtemps dans le nord du Mali voisin, en nommant comme médiateur l’ex Président du Faso Monsieur Blaise Compaoré. Cette médiation a eu le mérite non seulement de réconcilier les parties en présence dans la crise malienne, mais de créer les conditions des élections présidentielles au Mali. La présidence du Président Ouattara à la tête de la CEDEAO sur la même période a permis de résoudre d’autres crises, notamment en Guinée Bissau ou le retour à l’ordre constitutionnel et l’organisation de l’élection présidentielle ont été rendus possibles à la suite de la désignation d’anciens présidents comme médiateurs dans la crise bissau-guinéenne. Sont à souligner par ailleurs les efforts du Président Ouattara visant à faire reconnaître par l’ensemble des parties politiques au Togo, les résultats des élections présidentielles contestées en 2015. Soucieux de maintenir un climat de paix même au-delà de la zone CEDEAO, le Président ivoirien n’a pas hésiter à envoyer des contingents ivoiriens aux opérations militaires de maintien de la paix au Congo et en République Centrafricaine.Panafricaniste, il jouera un rôle majeur dans les négociations avec le Roi Mohamed VI en vue d’un retour du Maroc au sein de la grande famille africaine qu’est l’Union Africaine.
Au plan de la sécurisation de la région ouest-africaine contre diverses formes de criminalités transfrontalières, à savoir le trafic d’êtres humains, le terrorisme, le trafic de drogues, la circulation des armes légères, la piraterie maritime et les vols à mains armées en mer, etc., le leadership du Président Ouattara à la présidence de la CEDEAO fut remarquable par son adhésion sans réserve aux Code de Conduite de Yaoundé sur la sécurité et la sûreté maritime dans le Golfe de Guinée et à d’autres instruments de prévention et de répression de ces criminalités. Récemment, il a fallu l’implication personnelle du Président Ouattara en faveur de la levée des sanctions financières et autres contre le Mali, preuve s’il en est, de son attachement à ce pays frère et de l’estime qu’il a toujours eu pour l’État et le peuple malien avec qui la Côte d’Ivoire se trouve intimement liée par l’histoire, la géographie et la culture. C’est au vu de toutes les initiatives heureuses menées par le Président Ouattara que ses paires de la CEDEAO lui ont confié la conduite des affaires de l’Organisation régionale pour un deuxième mandat consécutif.
Q : Quelle est la stratégie de votre pays pour combattre l’extrémisme violent dans la région de Sahel ?
Il s’agit d’abord et avant tout de prendre conscience de la réalité de la menace extrémiste dans la région du Sahel et son potentielle d’extension aux frontières extérieures des États formant le G5 Sahel. Comme vous le savez la Côte d’Ivoire se trouve entourée par des États aux prises avec le phénomène de l’extrémisme violent et malheureusement, elle en a fait l’expérience à la plage de Bassam et au Nord dans la ville de Kafolo il y a déjà quelques années. Toute stratégie pour combattre ce fléau consistera à mettre en place et sans délai le dispositif juridique et institutionnel approprié et à même de combattre efficacement cet extrémisme violent dont l’illustration la plus achevée se nomme « terrorisme ». La stratégie passe par la coopération régionale en mettant au cœur du dispositif un système de partage d’informations, des structures de surveillance des frontières, d’augmentation de ses capacités de défense et de feu Pour cela et très tôt, le Président de la République a jugé plus que pertinent, dans les circonstances, de mettre en place le Conseil National de Sécurité dont il assure lui-même la présidence. La Côte d’Ivoire, sans être un pays sahélien mais avec des pays voisins sahéliens, a adhéré au G5 Sahel et prend une place active dans l’élaboration et l’adoption des mesures préventives et répressives. Récemment l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme. Une Académie Internationale de lutte contre le terrorisme est construite à Jacqueville, ville proche d’Abidjan et dont la vocation reste régionale en termes de formation et de renforcement des capacités des acteurs africains de lutte contre le terrorisme. Les cadres retenus pour participer aux formations de l’Académie viennent des ministères de la justice, de la défense et de l’intérieur.
Q : Comment se fait-il qu’on n’ait pas souvent des nouvelles ou qu’on entend pas parler de votre pays ?
Vous savez que très souvent les trains qui arrivent à l’heure on ne parle pas d’eux. On trouve cela normal. Par contre, ce sont les trains qui sont en retard ou qui connaissent des pannes à répétition qui agacent et suscitent bien souvent des bruits et des critiques et provoquant la grogne des usagers. Pour vous renvoyer un peu l’image : « pas de nouvelles ; bonne nouvelle ». Si on ne parle pas de la Côte d’Ivoire, c’est que les choses se passent bien et il suffit d’y faire un tour. Et c’est mieux ainsi. Notre pays est partout en chantier non seulement à Abidjan, mais dans toutes les régions du pays sans exclusive. Cela crève les yeux. Même celui qui feint de ne pas voir, il entend quand même ce qui se passe dans le pays. S’il s’obstine malgré tout à ne pas voir, il aura quand des oreilles pour entendre ce que le voisinage lui contera comme bonnes nouvelles. La vérité est belle quand elle est dite nue : Les grands colloques et séminaires internationaux s’y tiennent sans couac, au grand bonheur de ceux qui nous rendent visite. Ils sont légion ces ambassadeurs de pays étrangers qui viennent présenter leurs lettres de créances au Chef de l’État. Les Organisations internationales du système onusien qui avaient délocalisé leurs activités vers d’autres cieux sont revenues. Les ONG font de plus en plus flores. Les avions sont pleins à craquer au départ comme à l’arrivée. Les conditions de vie et de travail des populations s’améliorent chaque fois qu’il y a une embellie économique. Les embouteillages sont partout dans Abidjan, preuve que les gens vaquent à leurs occupations. Pour faire bref, je dirai que notre pays est en passe de devenir un pays émergeant comme l’a voulu le Président Ouattara, faisant ainsi écho à ce son père spirituel le Président Houphouët qui prédisait ceci en disant en substance : j’ai tracé les sillons, mon successeur va les agrandir. Ou encore mon successeur fera plus que moi. Suivez donc mon regard entre 2011 à ce jour. Pour répondre à votre question je dirai simplement ceci : si l’argent n’aime pas le bruit, le travail efficace, celui qui produit des résultats tangibles, ne saurait s’accommoder de trop de bavardage. Donc il faut aujourd’hui à notre pays certes un chef d’État, mais un chef d’État doublé de l’homme d’État plus d’action, et moins de parole. Nous avons la chance d’avoir un chef d’État, double de l’homme d’État qui a préfère la visibilité par ses actions de développement plutôt que la visibilité par les discours. Pour un peuple réaliste, c’est la première posture du chef à laquelle il faudra donner préséance.
Q : Finalement, vous venez régulièrement à Genève, quel est le trait qui vous plaît le plus ici ?
La dimension humaine de la ville, son multiculturalisme, sa mobilité urbaine, sa salubrité et sa verdure qui s’observent partout où vous passez. J’aime bien après des semaines intenses de débats au sein de la Commission, me promener les Week-end le long du lac Léman qui me rappelle un peu la baie de Cocody dont j’ai toujours rêvé qu’elle pouvait être une réplique du Lac Léman avec les aménagements appropriés, ses nombreux navires qui y passent chaque jour, ses fontaines, ses statuettes, ses jardins environnants, son jet d’eau à plusieurs mètres de haut, ses restaurants, ses cafés, ses hôtels et magasins de luxes, la courtoisie des uns envers les autres. Bref, dépourvue de ressources naturelles stratégiques, la suisse a eu l’ingéniosité, en tant que pays des montagnes, de valoriser ses montagnes en en faisant des sites touristiques uniques que l’on a envie de visiter et revisiter. Les grandes surfaces qui font le bonheur de toutes les bourses. Pour terminer j’apprécie au plus haut point le calme et le silence du Palais des Nations, un Palais chargé d’histoire et au sein duquel nous tenons nos deux sessions annuelles, en profitant de l’une des bibliothèques les plus riches au monde en termes d’ouvrages de droit.