« Souvent, ce sont les ?vidences qui cachent la v ?rit ? «
Autour de moi, tout le monde a peur.
A l’ ?cole, les enfants ont peur de la ma ?tresse et ne savent pas que la ma ?tresse a peur d’eux. Au bureau les employ ?s ont peur de leurs chefs et ne savent pas que ce dernier a peur de ses subordonn ?s.
Les jeunes ont peur de ne pas trouver un premier emploi, car ils n’ont pas encore d’exp ?rience, les vieux – et on est vieux ? partir de 35 ans – ont peur de perdre leur travail parce qu’ils en ont trop – d’exp ?rience. Les ?l ?ves ont peur d’ ?chouer, d’ ?tre ?limin ?s du cursus scolaire et de ne pas trouver de d ?bouch ?s par la suite.
Les ?tudiants vivent les ann ?es de formation universitaire dans un stress permanent, moins pour des raisons de surcharge r ?el que pour des raison li ?es aux conditions psychologiques.
Un sondage r ?alis ? en France pour d ?terminer les situations que les fran ?ais redoutent le plus, a montr ? qu’il s’agissait de la peur de prendre la parole en public. La guerre, le ch ?mage et les maladies semblaient repr ?senter des menaces de moindre importance. De tels r ?sultats sugg ?rent que nos peurs sont g ?n ?r ?es essentiellement par des situations interpersonnelles et que dans nos soci ?t ?s postmodernes o ? nous vivons en grande proximit ? physique avec nos semblables, nous avons peur les uns des autres.
Plus nous sommes en s ?curit ?, plus nous avons peur
Paradoxalement, plus les moyens de protection et les mesures de s ?curit ? mis ? notre disposition sont nombreux et performants, plus nous avons peur.
Dans nos soci ?t ?s ?volu ?es, nous contractons des assurances contre tous les risques pr ?visibles, concernant notre sant ?, nos bien, nos ?checs ?ventuels, notre famille, nos actes qui pourraient causer des torts ? des tiers…
Nous observons cependant un ph ?nom ?ne collat ?ral aussi inattendu qu’inqui ?tant : Plus nous sommes en s ?curit ?, plus nous avons peur !
Jadis, dans un monde plus syst ?matiquement expos ? ? des dangers r ?els, d’origine naturel ou social, les individus ?taient en quelque sorte vaccin ?s contre ces dangers et d ?veloppaient une certaine tol ?rance face aux difficult ?s et ? l’ins ?curit ?.
Avec l’ ?l ?vation du niveau de vie et de la s ?curit ? qui en d ?coule, ?tant moins expos ?s ? des dangers potentiels, nous sommes de moins en moins arm ?s ? relever des d ?fis et ? prendre des risques. Il semblerait qu’au fur et ? mesure que les soci ?t ?s parviennent ? mettre en place des syst ?mes de protections performants, des angoisses psychosociales supplantent peu ? peu nos bonnes vieilles peurs d’antan…
Chacun croit qu’il est seul ? avoir peur
Ce qui intensifie et dramatise ce sentiment de peur de l’autre est que les individus l’attribuent ? leur propre personnalit ? et la vivent comme le signe d’un disfonctionnement personnel.
La compartimentation de la soci ?t ? et la rar ?faction des ?changes spontan ?s entre individus aggravent encore davantage cet ?tat de chose dans la mesure o ? le partage des ?motions et la mise en commun des exp ?riences sociales deviennent de plus en plus rares et probl ?matiques. Ne parvenant pas ? parler ouvertement de ses peurs avec ses semblables, chaque individu croit qu’il est le seul ? avoir peur des autres et se consid ?re personnellement responsable, voire fautif de cet ?tat de fait. Or, il semblerait qu’il s’agit d’un ph ?nom ?ne collectif de plus en plus g ?n ?ral qui infiltre progressivement toutes les cellules de la soci ?t ? rendant les rapports humains de plus en plus rigides et m ?fiants.
Prendre conscience du caract ?re g ?n ?ral de ce ph ?nom ?ne permet de nous lib ?rer de notre sentiment de culpabilit ? et d’impuissance et nous orienter vers des mod ?les de communication plus souples et confiants.
Nous verrons alors, que ce qui nous fait le plus souvent peur dans l’autre, est l’id ?e que nous avons faite de lui.
Judit Varadi
Merci d’adresser vos r ?flexions et questions ? Judit Varadi par e-mail : diva.international@gmail.com ou info@ecole-varadi.ch ou par t ?l ?phone au 022 736 28 74
L’anecdote Monsieur Schlesinger ?tait mon professeur d’histoire au coll ?ge. Pendant ses cours, toujours lumineux, nous avions droit, lorsque nous nous sentions peu bien, de poser nos t ?tes sur nos bancs.
Il allait de soi, que dans ces cas, nous n’allions pas ?tre interrog ?s. Un jour, arrivant en classe, monsieur Schlesinger d ?couvrit une douzaine d’ ?l ?ves sur les trente deux que nous ?tions, confortablement install ?s dans cette position protectrice. Il survola la classe de son regard observateur et g ?n ?reux et s’adressa aux d ?tenteurs des t ?tes couch ?es sur un ton entendu :
Je sais bien qu’il n’y a pas douze ?l ?ves malades parmi vous aujourd’hui, mais je ne vous interrogerai pas, car je ne veux pas prendre le risque de choisir quelqu’un d’entre vous qui se sent r ?ellement mal.
Les grands p ?dagogues peuvent se permettre quelques faiblesses…