Nous vivons dans un monde ou les styles de constructions se ressemblent de plus en plus qu’on soit en France ou ailleurs. Partout on voit les buildings et souvent on se demande si les particularit ?s architecturales sont en train de dispara ?tre. Pourriez-vous nous parler de la situation du Mali ?
Il est vrai qu’ ? premi ?re vue, l’on est tent ? d’ ?tablir le constat d’une certaine uniformisation des styles architecturaux. Mais en v ?rit ?, je pense que cela n’est q’une apparence qui ne r ?siste gu ?re ? une analyse approfondie. Regardez ce qui se b ?tit dans le monde et vous verrez qu’un building ultra moderne de Duba ?, de P ?kin ou de Berlin porte en » insert » la particularit ? architecturale (culturelle) du pays.
J’entends par porter en insert le fait pour l’architecte malien d’adh ?rer pleinement aux normes de la construction moderne contemporaine, en la rendant famili ?re et lisible pour les siens. Cette d ?marche doit aussi ?tre f ?d ?ratrice, en entra ?nant la sympathie des sensibilit ?s culturelles ext ?rieures, par le sentiment qu’elle leur apporte d’un enrichissement de l’Architecture en g ?n ?ral.
L’architecture est une des expressions essentielles de chaque peuple. Elle r ?ussie son effet lorsqu’elle est sugg ?r ?e plut ?t qu’ ?nonc ?e, agissant comme une image subliminale. La situation architecturale au Mali est chaotique. Le pays entreprend depuis peu la r ?alisation de constructions de grande ampleur, fortement tributaires de financements ext ?rieurs qui s’accompagnent d’une subordination plus ou moins affirm ?e de la production architecturale locale. On se trouve alors face ? une architecture revue et corrig ?e ? travers le prisme culturel des concepteurs des pays bailleurs de fonds.
Ceux-ci par souci de m ?nager notre patrimoine culturel, dont ils nous savent l ?gitimement fiers, nous gratifient de ces b ?timents lourdement charg ?s de symboles architecturaux locaux, mal d ?finis et mal ma ?tris ?s au d ?triment de la simplicit ? de bon aloi seyant ? des ?difices administratifs et publics.
Cela n’est pas sans rappeler la ville africaine moderne revisit ?e par le film » un prince ? New York » avec Eddy Murphy. D ?s lors que l’architecte malien sera reconnu et install ? dans son r ?le de ma ?tre d’ ?uvre dans le domaine de la construction, il trouvera naturellement le cr ?neau de son insertion r ?ussie ? l’int ?rieur de la pens ?e architecturale moderne plac ?e sous le sceau de l’efficience et de la fonctionnalit ? caract ?risant la ville moderne.
Comment d ?crirez-vous la situation actuelle pour les architectes dans votre pays ?
Les architectes maliens sont encore form ?s ? l’ ?tranger, dans des pays aux concepts architecturaux (et climatiques) fondamentalement diff ?rends des n ?tres ; m ?me si d ?sormais des pays du continent africain contribuent dor ?navant ? leur formation. C’est dire que cette formation n’int ?gre pas les us et coutumes de l’architecture malienne. Chacun ? l’issue de sa formation acad ?mique, selon sa tendance propre ; comble peu ou prou cette lacune de mani ?re autodidacte.
L’architecture malienne est en chantier, de forte personnalit ?s et des talents s’y expriment et s’y exprimeront. Peut- ?tre r ?ussiront-ils ? l’impulser dans une direction sp ?cifique. Mais je pense intimement que seule une lecture universitaire appropri ?e de l’architecture locale, profess ?e et transmise dans des ?coles ad hoc, constituera le terreau fertile et nourricier pour de futures inspirations.
Vous avez con ?u des b ?timents que certains fonctionnaires internationaux connaissent ; tel que le Si ?ge Commun du Syst ?me des Nations Unies ? Bamako. Pourriez vous nous parler un peu de ce projet.
Vous voulez parler sans doute du si ?ge de l’UNICEF ou de l’ambassade de RFA ? Bamako, r ?alis ?s ? la satisfaction de leurs occupants. Il est vrai que le si ?ge commun du syst ?me des Nations Unies ? Bamako dont nous avons con ?us les plans, ne conna ?t toujours pas de d ?but de r ?alisation. Et cela ? notre grand dam…
Ce projet inspir ? par la politique du Secr ?taire G ?n ?ral Kofi Annan devait regrouper l’ensemble des organismes du syst ?me des Nations Unies ? Bamako, au sein d’un b ?timent commun offrant toutes les facilit ?s et commodit ?s aff ?rentes ? un tel ?difice. Un terrain dot ? de titre foncier, situ ? face ? la nouvelle Cit ? administrative en construction ; fut affect ? au projet par le Gouvernement du Mali, suite ? un protocole d’accord sp ?cial pass ? avec les Nations Unies. Le projet en question s’est ?gar ? dans les d ?dales de l’administration onusienne, mais nous pensons que cela est momentan ?. Aussi nous continuons de nourrir l’espoir que la r ?alisation du projet de si ?ge commun pour le syst ?me des Nations Unies ? Bamako n’est que partie remise.
Les architectes sont consid ?r ?s comme des artistes, des cr ?ateurs. Comment faites vous pour trouver les id ?es servant ? la conception d’un nouveau projet ?
L’architecte est assur ?ment un artiste, m ?me si nos homologues ing ?nieurs nous lestent quelquefois les pieds pour nous maintenir en contact avec les r ?alit ?s purement physiques de la construction. Les id ?es sont tout autour de nous : dans une coiffe f ?minine, dans un motif d ?coratif quelconque…
Personnellement je privil ?gie comme point de d ?part conceptuel la d ?finition d’un cadre int ?rieur fonctionnel o ? il fait bon vivre. L’ensemble des autres param ?tres y est subordonn ? et renforce ce concept.
Avant les architectes travaillaient sur les planches ? dessin, aujourd’hui les architectes sont en train de s’ ?quiper en logiciels informatiques. Que pensez-vous de cette ?volution ? Et est-ce que cette tendance intervient ?galement en Afrique de l’Ouest ?
Oui l’architecte d’antan ?tait assur ?ment un artiste poss ?dant la ma ?trise de l’art graphique. Aujourd’hui il est un esth ?te confront ? ? la rationalit ? industrielle et sociale modernes. De m ?me la r ?gle ? calcul et le boulier ont c ?d ? le pas ? la calculatrice, de m ?me les PC munis de logiciels de plus en plus puissants remplacent naturellement les planches ? dessin. C’est l’ ?volution normale des choses. Ces outils sont et demeurent des outils, parfaitement assujettis ? la cr ?ativit ? et au talent de l’architecte et ne peuvent se substituer ? lui. L’Afrique de l’Ouest a adopt ? ces instruments de travail ? l’instar du reste du monde. Par cons ?quent je loue la ma ?trise de cette nouvelle technologie par mes jeunes coll ?gues et accepte avec philosophie leur juste et saine raillerie, face ? la fastidieuse obligation que repr ?sente pour « les anciens » l’effort de se mettre ? la page.