Le prestigieux Salon inter-national du livre et de la presse de Genève s’est tenu du 23 au 26 avril 2009. Cette Foire du livre, pour utiliser la traduction de l’appellation anglaise, en était à sa vingtième édition. Et malgré les difficultés de la crise mondiale actuelle, elle a accueilli plus de cent mille visiteurs.
Un Salon du livre est un marché. Grâce aux techniques modernes de vente, les Maisons d’édition s’y affairent à placer leurs marchandises, les livres. . Les auteurs, dont la présence est programmée à grand renfort de publicité, sont invités à faire leur article au cours de séances de dédicaces sur les stands des éditeurs. Et au terme de la Foire, certains stocks de livres invendus passent au pilon.
Dans le cadre du Salon international du livre et de la presse de Genève, et sur le même site, un autre événement qui mérite d’être connu, encouragé et appuyé, est organisé pendant la même période.
Il s’agit du Salon africain du livre, de la presse et de la culture qui, avec l’appui du Département de la coopération et du développement (DDC) du Ministère fédéral suisse des Affaires étrangères et de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), se tient aux mêmes dates que le Salon international.
C’est du 28 avril au 2 mai 2004 que la première édition du Salon africain du livre, de la presse et de la culture a ouvert ses portes à Genève. Il se déroule sur quatre espaces qui reflètent l’esprit de quelques-uns des rendez-vous de la Suisse, avec l’Afrique : dialogue, paix, estime mutuelle et échanges. Ces quatre espaces sont : l’espace librairie, l’espace débats, l’espace stands des partenaires et l’espace exposition.
Ce Salon présente certaines particularités qui font son originalité par rapport aux salons classiques du livre.
Parmi ces particularités figurent entre autres, la concentration dans la même librairie d’un nombre exceptionnel de livres d’auteurs africains et non africains sur diverses problématiques du continent africain ; la présence dans le même espace, d’auteurs connus ou inconnus d’Afrique et des Antilles, invités non seulement pour dédicacer leurs livres, rencontrer le public, mais aussi pour participer à divers débats de fond relatifs à l’Afrique ; l’organisation de débats de haut niveau sur des problèmes africains et auxquels sont conviés non seulement des écrivains, mais aussi des experts de grande renommée pour les animer et le grand public : une sorte de forum où les libertés d’expression et d’opinion s’expriment par écrit et oralement dans une atmosphère de tolérance et d’égale contribution à la formulation du savoir.
Les thèmes centraux des six Salons Africains qui se sont déroulés depuis 2004 à Genève ont été successivement : Afriques : littératures, politiques et libertés (2004) ; L’Afrique en marche (2005) ; Afrique : connaissance et reconnaissance (2006) ; Imaginons l’avenir de l’Afrique (2007) ; Afrique : comment ça va ?(2008) ; Afrique : migrations (2009).
Parmi les talentueux animateurs des débats, nous voulons citer quelques noms : Bernard Magnier, Anne-Cécile Robert, Aggée Lomo Myazhiom, Madeleine Mukamabano, Boniface Mongo-Mboussa, Jean Ziegler, Jacques Chevrier, Nathalie Carré, M’Barek Ould Beyrouck, Eugène Ebode, Isabelle Bourgueil, etc.
Le Salon africain du livre pose aussi les problèmes du livre africain en français et de leurs auteurs. La persistance de certaines contradictions non résolues de l’environnement francophone figure parmi ces problèmes. Alors que les auteurs africains des autres pays africains s’en sortent mieux en termes de contrats équitables et de diffusion, il n’en est pas de même des écrivains africains francophones.
Ceux-ci, de même que les éditeurs, les diffuseurs, les libraires des pays francophones d’Afrique souffrent de la même odyssée. Les éditeurs francophones des pays africains subissent une concurrence déloyale des grandes maisons d’édition francophones. Quand les auteurs africains francophones sont édités en Europe, c’est aux termes de contrats signés avec certaines maisons d’édition qui prennent leurs droits en otage sans pour autant assurer la diffusion de leurs livres, ni en Europe, ni en Afrique, ni ailleurs. Conclusion : les auteurs africains francophones sont frustrés car leurs œuvres, par ailleurs trop chères, ne faisant point l’objet de critiques ou de débats dans les medias, sont méconnues et donc introuvables.
A la différence de ce qui se passe ailleurs où certaines grandes maisons d’édition européennes éditent sur place en Afrique, et donc offrent des coûts moindres au lecteur, aucune grande maison d’édition de l’espace francophone non africain n’a établi d’industrie éditoriale dans un pays francophone d’Afrique. Dans les cas où elle ouvre un point de vente sur le continent, c’est au détriment des éditeurs et des libraires locaux.
Il est souhaitable que le projet d’Awa Ndiaye** de créer une agence consacrée à une » Meilleure Circulation et Diffusion de la Littérature Africaine Francophone » à l’image de l’African Books Collective de Londres, reçoive l’appui de partenaires et de mécènes Africains et non-Africains.
Il est aussi souhaitable de promouvoir sur tout le continent, une culture de la lecture afin que le lectorat africain des écoles, des collèges et des lycées, des universités, des instituts supérieurs et du grand public se développe et devienne le parrain majoritaire des livres d’auteurs africains francophones. Sur les huit cent millions d’hommes et de femmes qui peuplent l’Afrique, il y en a certainement suffisamment qui disposent de moyens intellectuels et financiers adéquats pour satisfaire ce souhait.
Quant aux autres moins nantis, ils pourraient profiter du réseau naissant de bibliothèques universitaires et municipales pour découvrir et aimer ces biens précieux que sont les livres africains.
Afin d’aider à mieux connaître et à appuyer davantage le Salon africain du livre, de la presse et de la culture de Genève, je me suis entretenu avec quelques acteurs de cet événement. Leurs propos figurent dans les interviews qui suivent. Le débat est ouvert.
Tchaptchet Jean-Martin* jean_martint@yahoo.fr
* Ecrivain et conseiller en coopération internationale ** Directrice générale de l’association Espace Afrique International