La Portée d’un Rêve, par Dan Albertini

SUR LA ROUTE DU CINÉMA

  • LA PORTE D’UN RÊVE, par Dan Albertini
  • Une fille, un rêve, une fiction.
  • Scénario inspiré qui met en vedette Marie Darline Exumé dans le rôle de Miss Progress 2014

Le film commence avec des étoiles, une série de micros, quatre. Une voix off. « Quand Gex m’exposa l’objet de ses ambitions, je me suis dit que ça prenait un Yankee pour croire à de tels exploits. C’était un soir, tard, je le croyais sous influence. Il avait une idée précise en tête, mais il esquiva à la formule brève pour le détour. Un flirt avec la culture pourtant large, vaste, pour conclure par un concours au féminin. Le pendule se mit alors en accéléré, le temps n’était plus son allié. Une fille dans un autre pays. Darline ignorait à ce moment précis que sa vie allait prendre un autre tournant à mille lieues d’ici ».

Le narrateur vivait près de New York avant de retraverser la frontière au Nord. Il était nouvelliste. Flanqué assis devant son ordinateur qu’il utilisait comme téléphone, pingre, il n’aimait pas les factures. Il avait compris rapidement les besoins de Gex. Un autre voyage l’attendait lui aussi dans cette histoire. L’histoire s’étale sur un parcours de haute intensité et de haute voltige, le casting est nouveau. La fille !

Darline est étudiante en médecine dans un pays insulaire, elle fréquente l’Université privée. Ses études l’orientaient depuis, vers l’anatomie dans sa forme bancale de cobayes, en médecine. Une vocation dit-on dans le milieu. Gex lui apprend qu’elle va participer à un concours international en Italie. Le progrès comme unique défi. Le cerveau est sollicité. Les affaires se passent en accéléré dans ses pensées, elle se sent interpellée et ne doit perdre. Quoi en fait ? Concours, études, opportunité ? Elle prend une décision. Le défi.
Gex n’est donc pas seul dans cette situation, le temps n’est non plus l’allié de Darline. Ses amies voient déjà en elle une icône et une amitié idéale dans un pays où on a toujours un p’tit nom.

Ce pays possède une vocation. L’exil, l’important c’est de quitter, à n’importe quel prix. Ailleurs c’est le téléphone arabe, ici, c’est le télédiol, son professeur d’anatomie apprend ainsi la nouvelle. Son cœur bat à deux rythmes : beauté, médecine. Qui partira, qui restera ! Une guerre psychologique se déclare en lui aussi. Darline est dans ce rêve. L’œil ouvert, il ne capte pas réellement la scène d’un futur. Médecin, Italie. To laisse échapper inconsciemment une phrase : « elle ne peut partir ». Vers où ? Darline part le lendemain au soir.

Le rêve. Qui n’a déjà rêvé ! Tout le monde en fait d’ailleurs. Si tout rêve peut tourner au cauchemar, celui-ci à une part de réalité. Pour Gex c’est un concours bâti sur la notion du progrès. Gagner est toujours une occasion de joie. Intense. Cependant, perdre serait une amère déception, c’est là aussi où l’on voit tous les rêves brisés. Sauf celui de la reine. L’élue.
Darline se met brusquement à rêver. Gagnante. Elle est dans un avion qui traverse l’Atlantique. Port-au-Prince, Pointe-à-Pitre, Paris. Plus loin, loin sur une côte ensoleillée de l’Italie. Des chanteurs de muse. Qu’en est-il du réveil ? Elle revoit dans son rêve, comment le destin lui a fait signe à partir d’un concours. Miss Progress 2014. Une annonce de casting à New York. Un rêve qui l’avait emmenée à la Jamaïque l’année d’avant. De là l’inquiétude de son prof d’anatomie. To craint qu’un jour qu’elle finisse par y rester. En exil.

Darline se réveille comme dans ce rêve, à l’hôtel. Santa Maria di Leuca, Puglia Italy. L’Hôtel Messapia est somptueux avec une piscine d’un vert bleu méditerranéen. Giuseppe Borrillo est le directeur du casting, il doit visiter toutes les participantes pour s’assurer de leur solitude au réveil, c’est le protocole. Le gérant de l’Hôtel fait personnellement office de réveil pour le concours. Luigi est un homme dans la quarantaine, des cheveux noirs très soignés, plaqués sur la courbe du crâne, fixés avec une huile essentielle de Rochas, le nez cléopâtra. Une hôtesse en chemisier cachemire blanc, pantalon noir, talons aiguilles, toc toc, puis. Rentrent. Un drap léger en coton blanc laisse percevoir une silhouette puis ses courbes. Le rideau de la fenêtre est légèrement tiré, une fuite de lumière dévoile, Darline offre un plastic du tonnerre de déesse bronzée sous le drap d’un blanc immaculé qui obéit à l’ombre des reliefs. Elle s’interrogeait sur le modus vivendi de sa présence ici, seule, livrée à un destin.

Elle a d’autres rêves encore, mais elle nourrit un en particulier. A moitié éveillée après un long et éprouvant voyage de vingt-quatre heures, les deux hommes sont carrément dans ses rêves. Elle voit flou et sourit. Giuseppe dépose le programme de la journée sous la lampe placée sur un petit bureau blanc et or. Il dépose un crochet dans une case du document qu’il traîne avec lui de chambre en chambre. Et lâche la tête altière : « bon giorno signorina ». Gex à New York imagine ce rêve, mais il est y retenu encore. Il doit finaliser ses dossiers avant de reprendre l’avion pour Santa Maria di Leuca. Il rentrait d’Haïti. Il ne fait plus dans la fiction, car avec Darline en Italie, il a gagné la première manche d’une mission impossible.
Le scénario est une fiction qui fait appel à un imaginaire, elle part d’une image. Celle de Darline. Darline n’appartient plus à la cosmogonie de son pays, elle est partout à la fois. Dans les rêves de son professeur d’anatomie, c’est le drame. Depuis cette histoire de casting, elle est dans les rêves de Gex aussi, dans un autre pays. L’auteur ne dit pourquoi. Ça ne fait pas l’objet de ses besoins dans le film.

Darline fait partie des rêves de beaucoup d’hommes, ce qui fait d’elle dans ce scénario un être fort dont l’ego risque d’être démesuré, c’est-à-dire un côté narcissique. Mais en même temps, une fragilité aussi, car cela pourrait l’entraîner vers la frivolité, surtout dans un pays comme l’Italie, son pays de naissance ou, dans une ville telle que New York. Le metteur en scène campe Darline au milieu de cette complexité fatale d’une beauté canon. Il joue sur la psychologie du spectateur, mais n’affirme rien n’infirme non plus. Il tend un piège à celui qui regarde le film. Il devra tenter de conclure lui-même au risque de vouloir s’accrocher au film plus d’une fois, en prenant en même temps goût à l’image projetée. Une vedette qui sait livrer.

Darline n’est vue avec personne, mais il fait surprendre tout le monde au fond de leurs pensées intimes sur l’actrice, cette image en tête. Le mixage des tableaux suggère, mais ne définit. Même en manipulant la pensée par l’image. On a l’impression que Darline se trouve sur trois paliers plus élevés que le spectateur qui dans une culture insulaire. Aime découvrir. Même reflet sur les côtes de la Méditerranée sous le drap blanc. Il va souvent plus loin dans ses provocations en nous faisant suivre la vedette qui, croit-on, nous invite en ce sens. Imaginaire. Il nourrit un espoir qui n’est exprimé. Quel espoir ? D’ailleurs la fille est déjà médecin dans celui de To, son professeur d’anatomie. Il refuse de la perdre par la distance et se réfugie derrière ce tableau. C’est un espoir qu’il nourrit pour son pays.
Gex se voit déjà dans la croissance de Miss Progress International, mais en maitrisant lui-même l’événement sur une île. Cela lui est dû, il est de New York.

La découverte de ce nouveau canon dans un pays tel que l’Italie nourrit un autre type d’espoir. J’observe le silence sur ceux de Darline, tout lui est permis à cet âge. L’affaire se passe définitivement dans la tête de tout le monde tandis qu’il y a un vrai casting qui met à l’épreuve des filles pleines d’espoir, dont Darline.

Vous doutez ! Rendez-vous à http://www.missprogressinternational.com/le_concorrenti.php. Mon rêve reste entier après le film. J’attends donc Dr Freud.
Merci d’y croire !
dan@danalbertini.com