De nos jours, les termes « désarmement », « contrôle d’armements », « non- prolifération », rappelant les expériences du 20e siècle, inspirent des sentiments contradictoires. La fin de la guerre froide a ouvert la voie à de nouvelles menaces pour la sécurité internationale, la paix et la stabilité. De nouveaux facteurs sont entrés dans l’équation internationale. Dans un contexte de globalisation caractérisée par des niveaux toujours croissants d’interdépendance économique et sociale, de nouveaux besoins, des priorités nouvelles se dessinent.
Comment désarmer ?
La diplomatie multilatérale et le principe de la sécurité collective pourraient et devraient en être les moyens et les outils et le système des Nations Unies, grâce à sa participation universelle, le cadre naturel. C’est l’environnement propice pour répondre à la nécessité du désarmement, au contrôle des armements, à la non-prolifération et au besoin toujours plus pressant de pouvoir libérer des ressources pour le développement économique et social.
L’ensemble du système en vigueur comprend un réseau de » régimes » de non prolifération et de désarmement multilatéraux. Il s’agit en fait d’un ensemble à première vue hétérogène d’instruments légaux ou de simples engagements politiques, dont la nature, le degré d’adhésion et les obligations y attachées varient énormément.
C’est ainsi qu’on pourrait distinguer trois grandes catégories de traités et « régimes » qui semblent être les piliers du système international aspirant à préserver la paix et à promouvoir la sécurité.
Il s’agit des instruments internationaux qui traitent des armes de destruction massive, de ceux, plus exclusifs, qui gèrent et contrôlent l’exportation de » matériel » qui pourrait contribuer à la construction d’une arme de destruction massive, et ceux qui s’appliquent aux armes conventionnelles.
Dans la première catégorie, celle des Traités, il faut noter le Traité de la Non Prolifération des armes nucléaires, qui est très souvent appelé la pierre angulaire du désarmement multilatéral. Le TNP interdit aux Etats qui ne possèdent pas d’armes nucléaires de recevoir, fabriquer et acquérir de telles armes, tandis que ceux les possédant déjà sont obligés soit d’entreprendre soit de poursuivre des négociations à fin de désarmement nucléaire. Il s’agit du Traité le plus largement accepté (avec ses 188 Etats Parties) dans le domaine du désarmement. Dans le domaine des armes de destruction massive, citons aussi la Convention d’interdiction des armes Chimiques (CIAC), qui a donné naissance à l’Organisation pour l’Interdiction des armes chimiques (OIAC) supervisant l’application de la Convention, ainsi que la Convention sur les armes bactériologiques (biologiques) ou toxiques (CIAB). N’oublions pas non plus le très important Traité d’interdiction totale d’essais nucléaires qui n’a pas pu encore entré en vigueur mais qui inspire toujours nos espoirs légitimes.
Ces traités sont complétés par le régime de contrôle d’exportations. Il s’agit d’accords multilatéraux de coopération entre des groupes d’Etats qui élaborent des critères pour l’autorisation des exportations, dressent des listes de produits à contrôler et adoptent des procédures d’échange d’information.
Il s’agit plus concrètement du Groupe des Fournisseurs Nucléaires, du » Zagger Committee » d’une mission analogue, du Groupe Australien régissant les armes chimiques et biologiques, du Régime de contrôle de la technologie des Missiles, du code de la Haye dans ce même domaine de missiles et de l’Arrangement du Wassenaar, gérant le commerce des armes conventionnelles.
La troisième catégorie d’instruments internationaux, celle du désarmement conventionnel, comprend principalement la Convention sur l`Interdiction ou la Limitation de Certaines Armes Classiques (avec ses protocoles), la Convention sur l’Interdiction des Mines Anti-personnelles, et le Programme des Nations Unies contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre.
Malheureusement, depuis la fin des négociations sur la Convention des armes chimiques (CIAC) en 1992 et la négociation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) de 1994-96, cela fait plus d`une dizaine d’années, la Conférence sur le Désarmement – qui les a déclenchés – semble se trouver dans une impasse qui reflète un certain blocage plus général. Plus particulièrement au niveau du nucléaire, l’existence d’intérêts vitaux et de priorités bien définies de facteurs opposés ne favorise pas la création d’une condition favorable à la diplomatie multilatérale où l’entente mutuelle et le compromis sont essentiels.
Quelles sont les perspectives de la Conférence du Désarmement ?
La Grâce est actuellement observateur à la Conférence – dont les membres sont limités à 65.
Aspirant à y participer de plein droit, elle a soumis sa demande d’adhésion dès 1982 et croit que dans ce cadre le réalisme s’impose manifestement.
Nous faisons partie de ceux qui persistent à croire que la Conférence du Désarmement va redémarrer dans un avenir proche, et plus concrètement au moment où l’équilibre des forces le permettra. C’est un fait que pour promouvoir le désarmement, il ne suffit pas d’avoir la vision d’un monde moins armé, plus pacifique, plus juste. Il est en même temps indispensable d’admettre que les intérêts fondamentaux de toutes les parties doivent être respectés ou plutôt balancés. Il semble ainsi que la Conférence sur le désarmement ne pourra jouer à nouveau son rôle primordial que par une » attaque » équilibrée à un groupe de secteurs importants tels que la non-prolifération, le désarmement nucléaire et la prévention des armements dans l’espace. Nous sommes d’autre part persuadés que la Conférence devrait en même temps s’élargir et permettre la participation du maximum des Etats y intéressés, devenant ainsi un vrai forum mondial dévoué au désarmement et à la non prolifération.
En parallèle, il nous semble que la quête d’une participation maximale est également d’une importance cruciale pour l’efficacité de tous les régimes de contrôle d’exportation, qu’ils se réfèrent aux armes conventionnelles ou à celles de destruction massive. La Grâce présidant actuellement le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR) qui aspire à freiner la prolifération des missiles, des véhicules aériens non pilotés et les vecteurs d’armes de destruction massive, sans perturber les échanges commerciaux légitimes, cherche juste à y appliquer cette politique d’élargissement.
Parlant de présidences, la Grâce a assumé en 2007 la présidence de la réunion annuelle des Etats parties de la CCW, la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques.
La CCW constitue l’un des instruments principaux de la loi humanitaire internationale. Elle est censée compléter les Conventions de Genève de 1949 pour la protection des victimes de guerre.
Le thème central de cette présidence était les conséquences humanitaires de l’usage de sous-munitions pour les civiles. Conscients de l’urgence d’agir face à ce grand enjeu humanitaire, nous avons cherché à favoriser une approche respectant la partie humanitaire du sujet sans écarter les considérations de nature militaire. Il semblait essentiel de garantir la participation du maximum des Etats intéressés, des possesseurs et des utilisateurs. Nous pensons que le processus est déjà mis en fonction avec l’établissement d’un Groupe d’experts gouvernementaux mandaté pour négocier un nouveau protocole qui traitera des problèmes humanitaires posés par les sous munitions.
Last but not least, retenons l`importance du nouveau concept de la sécurité humaine dans le désarmement et la non prolifération. C’est un fait que les mines antipersonnelles, les armes légères et de petit calibre, certains types de sous munitions, représentent des défis non seulement pour la vie des individus mais aussi pour leur dignité, le potentiel de développement économique et de la prospérité de gens qui vivent dans des régions de conflit.
De cette constatation émane la conception de la sécurité humaine dont (la protection et la promotion) ont été entreprises par un groupe de 14 pays constituant le Réseau de Sécurité Humaine, Réseau que la Grâce préside actuellement.
Permettez moi en guise de conclusion de risquer un jugement d’ordre général. Le désarmement, cause commune de l’humanité, ne doit pas être la tâche de clubs de gens et de pays pourvus de bonne volonté et de bonnes intentions mais disposant de capacités restreintes. Il doit par contre, pour être efficace, être traité et promu dans des forums aussi inclusifs que possible avec la présence de la majorité des pays du monde et surtout avec la participation des facteurs principaux des armements internationaux. Car prendre la décision de désarmer sans le consentement de ceux qui possèdent ou utilisent les armes est dépourvu de sens.
Franciscos Verros Ambassadeur Représentant permanent de la Grâce