L’ambassadeur Riyad Mansour est l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU depuis 2005. Il a une parfaite connaissance des Nations Unies puisqu’il avait servi en tant qu’Observateur permanent adjoint, de 1983 à 1994.
Q : La prise de position de Barack Obama en faveur d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967 a irrité Israël. Le premier ministre Benjamin Netanyahu, en visite officielle aux Etats Unis n’a pas mâché ses mots. Lors d’une conférence de presse à la Maison blanche, il a qualifié cette proposition « d’indéfendable ». Qu’en pensez-vous et serait-il exact de dire que le processus de paix est dans une impasse totale ?
Ambassadeur Mansour : Le processus de paix est au point mort, surtout après le discours de Benjamin Netanyahu. Cela étant, il l’était déjà bien avant son discours que même les modérés ont qualifié d’extrême et d’arrogant, et qui a, en quelque sorte, fermé toutes les portes. Le premier ministre Netanyahu a démontré qu’il n’était intéressé ni par la paix, ni par des négociations avec le peuple palestinien. Vouloir la paix implique le respect des obligations et des lois internationales ; le respect des résolutions du Conseil de sécurité, le gel de la colonisation israélienne et bien d’autres choses. Le fait qu’il ait pris une position extrême démontre bien que l’état d’Israël est en faveur de la colonisation. Il viole les lois internationales au lieu de poursuivre les pourparlers de paix et de respecter la « feuille de route » adoptée par le Quartet en 2003, qui appelait au gel de la colonisation israélienne et au démantèlement des colonies de peuplement.
Q : A deux reprises le Président Obama a évoqué la possibilité d’un état palestinien, provoquant l’ire d’Israël. Pensez-vous que cela pourrait devenir réalité et par ailleurs avez-vous été étonné de la réaction plus que vive de Netanyahu après la déclaration du Président Obama ?
Ambassadeur Mansour : Sa réaction n’a pas été vive, mais violente. Il s’est élevé contre les déclarations du Président Obama, surtout après que ce dernier ait déclaré que les négociations devraient se faire sur la base des frontières de 1967, avec quelques ajustements, et avec l’accord des deux parties. Ce sont des éléments qui ont été reçus positivement par les dirigeants palestiniens. Maintenant, la balle est dans le camp du président Obama si je puis dire, avec le concours des européens, des partenaires arabes et des membres du quartet. Ils doivent exiger que les deux parties négocient sur des bases claires, y compris sur la base des frontières de 1967. Si le président Obama prend le problème en main, peut-être alors sortirons-nous de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Mais si, sous la pression du Congrès et du Lobby juif, il revient sur les propos qu’il a tenus, alors nous pourrons dire définitivement adieu au processus de paix.
Q : Pensez-vous, malgré tout, que le processus de paix a des chances de repartir sur la bonne voie avant l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre prochain.
Ambassadeur Mansour : Les deux parties ne peuvent elles-mêmes, remettre le processus de paix sur les rails. Nous avons besoin d’un tiers. Que ce soient le président Obama, les européens ou le quartet, afin que les négociations menant au processus de paix démarrent sur des bases claires, et que les termes de référence soient respectés. Il est essentiel que les négociations se tiennent sur l base des frontières de 1967, et il faut essayer de parvenir à un traité qui mettra un terme à une occupation commencée en 1967. Un traité qui nous permettra d’avoir notre indépendance et de devenir membre de l’ONU. Un tel traité pourrait voir le jour d’ici à Septembre. Tout dépend de la façon dont le Président Obama, les européens, les Russes, l’ONU, le quartet et d’autres partenaires se conduiront. S’ils font preuve de leadership, de fermeté, s’ils font preuve de décision, s’ils disent : « voici les bases d’une solution » et invitent les deux parties à se rencontrer et à négocier sur de telles bases, alors peut-être que le processus de paix pourrait être relancé. Si cela échouait, nous avons d’autres options, consignées dans ce que nous avons appelé “l’ordre du jour pour septembre” : l’admission de la Palestine auprès de l’ONU, la reconnaissance de l’état palestinien, et d’autres idées dont nous disposons et dont nous débattons avec des capitales et des pays, afin de trouver les bonnes tactiques et stratégies, que nous utiliserons au fur et à mesure que nous nous approchons de du mois de septembre.
Q : 112 pays ont reconnu l’état palestinien. Combien vous en faudrait-il pour avoir plus de poids au regard des membres du Conseil de sécurité ?
Ambassadeur Mansour : Nous aimerions en avoir 130. Cela représente les deux tiers de la majorité à l’Assemblée générale, ce qui constitue un élément de poids si nous choisissons l’option de l’admission. C’est la raison pour laquelle nous poursuivons nos efforts.
Q : Avoir l’aval de l’Assemblée générale, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant, car c’est le Conseil de sécurité qui, au final décide.
Ambassadeur Mansour. C’est vrai. Mais si nous avons une majorité écrasante, le Conseil de sécurité sera bien obligé d’en tenir compte. Laissez-moi vous donner un exemple : lorsque nous sommes allés devant le Conseil pour discuter du problème des colonies illégales, le projet de résolution était sponsorisé par 135 pays. C’est la preuve que nous avions un soutien énorme. Si un plus grand nombre de pays sont d’accord avec l’idée de la Palestine de devenir membre de l’ONU, la question sera de savoir pourquoi le Conseil de sécurité ignorerait un soutien aussi massif. Pourquoi il refuserait d’entendre l’appel de ces pays qui demandent de ne pas bloquer les droits naturels de la Palestine de faire partie de la communauté des Nations en tant qu’état. Après tout, le Président Obama avait évoqué une idée similaire en septembre dernier à la tribune de l’Assemblée générale !
Q : Que pensez-vous de ce qu’on a appelé « le printemps arabe », de tous ces peuples qui se soulèvent pour que leurs droits soient reconnus et respectés ? Cela aide t-il le problème palestinien ?
Ambassadeur Mansour : Je le crois vraiment. Chaque fois que des gens prennent leur destin en main, chaque fois que des millions de personnes s’impliquent dans les prises de décision, dans la construction d’une politique qui aura un impact sur le programme social et économique de leur pays ; chaque fois que les peuples décident de faire face à des questions économiques compliquées, de mettre un terme à la corruption, de participer à la redistribution équitable des richesses entre le plus grand nombre de personnes au sein de cette société, c’est une victoire pour la démocratie. Chaque fois que des millions de personnes choisissent d’honorer et de respecter la liberté, la diversité, la laïcité, la démocratie, toutes ces valeurs qui permettent à un pays comme l’Egypte par exemple, de servir le peuple de la meilleure façon possible, ce pays devient un pays respecté à travers le monde. Je pense que cette révolution arable est extrêmement utile pour le peuple palestinien. Après tout, notre lutte est importante pour la cause de la justice et de la liberté, et si les pays Arabes choisissent de prendre cette voie, alors définitivement, la Palestine en bénéficiera.
Propos recueillis à New York par Célhia de Lavarène