
Les Épées des Lâches par Faik Al-Aboudi
Dans un village paisible sur la côte syrienne, Layla est née au sein d’une famille alaouite conservatrice. Comme nous tous, elle n’avait pas choisi d’être musulmane alaouite, ni de grandir sous les contraintes des traditions strictes, mais elle acceptait sa vie simple avec gratitude. En grandissant, elle rêvait de liberté et trouvait refuge dans les livres. Elle se plongea dans les profondeurs de la langue arabe jusqu’à obtenir un doctorat, surmontant tous les obstacles.
Layla n’était prisonnière ni de sa communauté, ni des limites imposées par sa famille ou la société. Dès son plus jeune âge, elle se lia d’amitié avec des personnes de diverses confessions, croyant fermement que la valeur d’un être humain se mesure à son cœur et à ce qu’il offre aux autres, et non à son appartenance religieuse. Sa plus proche amie, Maria, une jeune chrétienne, partageait ses rêves et ses espoirs. Toutes deux étaient animées par une passion commune pour la connaissance et un rejet de l’intolérance. Layla n’hésitait pas à accompagner Maria à l’église lors des fêtes religieuses, et elle avait même appris les chants liturgiques, les entonnant aux côtés de son amie.
Bien qu’elle ait grandi dans un environnement associé au régime en place, Layla ne pouvait cacher son dégoût pour ce pouvoir et son dirigeant, qu’elle voyait comme une incarnation authentique de la tyrannie. Pour elle, l’injustice ne pouvait être maquillée, et la patrie appartenait à tous, et non à une faction imposant sa vision par la force.
Le régime finit par s’effondrer, mais la liberté tant espérée n’arriva jamais. Un homme encore plus criminel prit le pouvoir – un boucher assoiffé de sang, serpent changeant constamment de peau au gré des factions terroristes. Il apporta avec lui une armée de meurtriers, de bandits venus des quatre coins du monde, semant la terreur et la mort au nom de la religion et de la justice. Ironiquement, c’est la communauté alaouite qui paya le prix le plus lourd : hommes, femmes, enfants ou vieillards furent massacrés froidement, sous des prétextes fallacieux et dans un silence médiatique complice.
Même les églises ne furent pas épargnées. Ces lieux de culte devinrent des cibles dont on fracassa les portes, profana les murs et brisa les croix. Même les tombes des morts ne furent pas laissées en paix. L’église, autrefois symbole de sérénité pour Layla et Maria, devint un lieu de danger, forçant Layla à cesser de la visiter, par crainte d’un funeste sort.
Au cœur de ce chaos, Layla s’assit dans sa grande bibliothèque, contemplant avec tristesse les étagères qui avaient porté ses idées et ses rêves au fil des ans. Elle savait que chaque livre recélait une pensée, et qu’en ces temps de folie et de violence, chaque pensée pouvait devenir une épée suspendue au-dessus de sa tête. D’une main tremblante, elle rassembla ses livres – de la philosophie à l’histoire, de la littérature aux religions – et les jeta dans les flammes. À chaque page dévorée par le feu, elle sentait une partie de son âme s’éteindre. Mais ce bûcher n’était qu’un symbole de sa tentative désespérée de faire taire l’injustice.
Cette nuit-là, alors que la dernière braise s’éteignait, l’impensable se produisit. Alors qu’elle ramassait les cendres de ses précieux ouvrages, le fracas d’une porte brisée déchira le silence. Paralysée un instant, elle courut vers la chambre de ses parents, mais le destin fut cruel.
Les assaillants pénétrèrent dans la maison comme des bêtes sauvages. Masqués, les yeux brûlant de haine, ils brandissaient des épées souillées du sang des innocents. À leur tête se tenait un homme au fort accent tchétchène, au corps massif et aux mains couvertes de cicatrices de batailles passées. Son pantalon, maculé de sang frais, trahissait la barbarie de ses actes. Les parents de Layla furent assassinés sous ses yeux, tout comme son jeune neveu de douze ans venu leur rendre visite.
Layla tenta de résister, de crier, de fuir, mais leur violence était implacable. Dans l’abîme de la douleur et de l’humiliation, le chef tchétchène s’approcha d’elle, la dévisagea avec mépris, et, dans un arabe approximatif, déclara :
— Tu es à moi, maintenant.
Dans cette nuit d’horreur, il tenta de la violer. Mais Layla, fidèle à sa dignité, refusa de plier. Sa vie se termina dans une brutalité inouïe : elle fut tuée, puis son corps fut brûlé, sans qu’on lui accorde la chance de faire entendre sa voix, sans qu’aucune trace de son rêve de liberté ne survive.
Cependant, ses cendres ne disparurent pas totalement. Elles devinrent un témoignage silencieux des atrocités commises. L’histoire de Layla se répandit rapidement, devenant un symbole de résistance et de rejet de la tyrannie. Peu à peu, la vérité éclata au grand jour : les complices des assassins furent démasqués, et les médias serviles perdirent toute crédibilité, car l’injustice, quelle que soit sa durée, finit toujours par s’effondrer.
Quand les livres brûlèrent, une part de la liberté disparut avec eux. Mais le feu ne put éteindre la flamme qui s’embrasa dans les cœurs révoltés. Layla et des milliers d’innocents périrent, mais leur voix et leur mémoire devinrent un phare, rappelant que la justice finira par triompher, et que tous ceux qui ont soutenu l’oppression seront, un jour, réduits en cendres dans la décharge de l’histoire.
J’ai voulu partager avec vous cette histoire inspirée de faits réels survenus en Syrie. J’ai tiré ses détails de divers événements vécus par différentes personnes et les ai fusionnés en un seul récit.
Aujourd’hui, la Syrie est gouvernée par des extrémistes meurtriers.
- Today, Syria is ruled by extremist murderers.
- by Faik Al-Aboudi