Interview de son Excellence, Ambassadeur de l’Organisation International de la Francophonie, Mr. Libère Bararunyeretse.

 
Libère Bararunyeretse
Monsieur l’Ambassadeur est un homme modeste qui depuis 2006 occupe le poste de représentant permanent de l’OIF auprès de l’ONU et des Organisations Internationales à Genève. Avant de venir dans la cité de Calvin, Monsieur l’Ambassadeur a eu un parcours hors pair et il a entre autre été président du Senat de son pays natal le Burundi. Il a également été Ministre des Affaires Etrangères et occupé d’autres postes importants. Depuis son arrivé il se bat pour faire entendre la voix des pays francophones, et faire en sorte que la langue française reste la langue diplomatique. Tout récemment il a organisé en collaboration avec l’ONU une table ronde sur le multilinguisme – un thème qui lui tient particulièrement à cœur. Nous avons eu la chance de le rencontrer à Genève et d’en savoir d’avantage sur l’OIF, leurs objectifs et leurs activités.
 
Q : Qu’est ce que l’Organisation International de la Francophonie ?
 
C’est une organisation qui a été crée le 20 mars 1970 à Niamey au Niger, sous le nom de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique. Elle fût créée par les « Pères fondateurs de la Francophonie » : le Président Léopold Sédar Senghor (Sénégal), le Président Burkiba (Tunisie), le Président Hamanl Diori (Niger) et le Prince Sihanouk (Cambodge). Ces quatre Hommes, ont un passé commun lié au colonialisme français de leur pays respectif. C’est dans ce contexte qu’ils ont découvert et apprit la langue française et décider de l’intégrer au patrimoine de leur pays. Ils partagent à cette époque une vision commune : « Capitaliser sur la connaissance et la pratique de la langue Française. » La création de l’OIF est très souvent perçue comme étant une réalisation de la France. Elle a en effet rejoint le mouvement, les créateurs ont estimé que le contexte colonial terminé, la France pouvait être un véritable allier et support pour une évolution constructive. Les premiers axes de cette collaboration ont été la Culture et la Technique. C’est ainsi qu’est né l’OIF dont le 40éme anniversaire a été célébré cette année. 2010 est une année riche en événement, c’est en octobre à Montreux que le 13 éme Sommet aura lieu avec des Chefs d’Etats et de Gouvernements, qui en compte aujourd’hui pas moins de 70.
 
Q : Quels sont les critères pour devenir membre de l’Organisation ?
 
Le règlement intérieur est en constante évolution. De manière générale pour être membre de l’OFI, il est primordial d’adhérer à son « Esprit » et son Programme. Ce programme est composé de quatre points :
 
• Promouvoir la langue Française et la Diversité Culturelle. La promotion de la langue française fait partie intégrante de ce que l’ont nomme « Les Langues Partenaires de l’OFI ». Les autres langues comme celle de mon pays qui adhérent à la francophonie sont pour nous un créneau d’ouverture exceptionnelle.
 
• Promouvoir la promotion de la Paix, la Démocratie et les Droits de l’Homme. Les pays membres de la Francophonie ont adopté « un Demi », célébrant aussi le 10e anniversaire de la « Déclaration de Bamako ». La Déclaration de Bamako est un engagement pris solennellement par les pays membres de la francophonie pour promouvoir la Démocratie et le respect des Droits de l’Homme. Cette Déclaration s’accompagne d’un dispositif de gestion. Ce dispositif permet lors d’une rupture des Institutions Démocratiques ou d’un coup d’Etat, de réunir et faire statuer les membres de l’OFI sur les actions à mener. Dans ce cas, cela s’accompagne très souvent d’une suspension de ce pays jusqu’à ce qu’il retrouve sa Légalité Constitutionnelle. C’est ainsi que la Francophonie accompagne et soutient ces pays à se construire des bases solides démocratiques. C’est le cas des pays comme Madagascar, la Guinée et le Niger. Ces pays qui connaissent des instabilités démocratiques sont sanctionnés et accompagnés pour retrouver une Légalité Constitutionnelle.
 
• Appuyer l’Eduction, la Recherche avec une mention particulière pour la Solidarité numérique. La solidarité numérique est un champ de travail car ont estime que la fracture numérique s’accélère et s’accentue. Cette évolution creuse profondément un écart entre les pays du Sud et du Nord. Ont assiste alors à un décalage des connaissances et des savoirs « entre ceux qui ont accès aux nouvelles technologies et ceux qui n’ont pas accès à la révolution numérique ». • S’engager pour le Développement Durable et la Solidarité au sein de l’espace francophone.
 
Ce sont des missions que le candidat doit s’engager à mettre en œuvre.
 

Q : Qui finance l’OIF  ?

 
L’OFI, est financé par des contributions statuaires, des gouvernements comme cela a été indexé par l’ONU. L’Organisation bénéficie aussi des contributions volontaires notamment, pour alimenter le Fond Multilatéral de la Coopération Francophone. L’Organisation est composée d’opérateurs qui regroupent plus de 600 universités de pays francophones, membre au pas de l’OFI. Ce regroupement permet de contribuer aux programmes de l’Enseignement, de Développement et de Recherche et permet d’harmoniser l’intervention dans d’autres secteurs. Nous avons aussi les Instances Ministériels qui travaillent principalement en autonomie et qui participent à nos engagements.
 
Nous avons construit une Université en Egypte dénommée Université de Léopold Sédar Senghor. Elle a pour objectif de former les cadres africains dans les domaines ou les capacités sont limitées. Nous travaillons avec les Ministres de l’Education ainsi que les Ministres de la Jeunesse qui se réunissent chaque année pour harmoniser certains problèmes éducatifs et aussi traiter des problématiques en étroites liaison avec la Francophonie.
 
Voici l’univers de la Francophonie, évidement il y a tant d’autres associations dans la société civile, qui contribue aux développements de nos engagements et objectifs.
 
Q : On a l’impression que la langue française perd du terrain par rapport à l’anglais. Que fait l’OIF pour que le français garde sa place ?
 
Par rapport à l’anglais je ne parlerais pas de menace car notre vision de la francophonie n’a pas pour but de créer une sphère contre la pratique de la langue anglaise. Nous souhaitons que la Mondialisation n’entraîne pas une prééminence de la langue anglaise. D’où vient la prééminence de l’anglais ? De cette globalisation économique où les Etats Unies entre en jeux avec sa puissance économique et arrive presque à imposer une langue unique. Nous nous retrouvons alors dans un environnement monolingue, et politiquement nous y voyons une menace. Si demain le monde ne parle qu’une langue, nous ne pratiquerons qu’une seule langue et nous arriveront rapidement à la Pensée Unique. Or aucune langue n’est innocente en effet chacune est porteuse de valeurs, de schémas de penser, de créativité… Il me parait dommageable qu’un environnement monolingue nous conduirait dans une spirale univoque. D’ou la promotion de la langue française et cette promotion n’est pas axée sur une lutte contre la langue anglaise mais plutôt sur une création d’un monde pluraliste fondée la diversité de l’humanité.
 
C’est pour cela d’ailleurs que vous avez souligné l’existence des Programmes pour promouvoir les langues partenaires car chaque langue qui disparait est une perte. Aujourd’hui il existe autour de 6000 langues dans le monde, mais malheureusement il y en a qui disparaissent et cela est vraiment une perte pour le patrimoine de l’humanité.
 
Nous ne sommes pas en « guerre » et la preuve nous construisons des programmes en partenariat avec le Commonwealth, car au-dessus de langues, il y a la vie des peuples et nous y -travaillons ensemble.
 
L’autre pôle d’action est de soutenir certaines visions pluralistes. Nous sommes en contact avec les autres aires linguistiques. Avec les Nations Unies je me bats pour que la langue française garde sa place en tant que langue de travail au côté de l’anglais. Nous voulons que cela soit dans une vision multilinguisme parce qu’aux Nations Unies il n’y pas que le français et l’anglais mais il y a aussi l’arabe, le russe, le chinois, l’espagnole… et nous demandons que les documents de travail sortent dans ces six langues.
 
Il y a une tendance il faut le dire à l’uniformatisation, et c’est pour cela que nous devons rester vigilants. Réussirons-nous, ou allons nous échouer ? Je viens de faire cet exercice pendant ces quatre années ici et ma conclusion est la suivante : « il ne faut jamais baisser les bras. »
 
Chaque effort se paye. Je viens d’organiser tout récemment avec l’Office des Nations Unies une table ronde sur le multilinguisme. C’est d’une question qui est à l’ordre du jour. Je dois dire que j’étais agréablement surpris de voir que les représentants de sept agences interrogées ont intégré dans leur discours le multilinguisme, et pas comme étant un acte marginal mais comme une association sincère, même si dans la pratique il peut avoir des entorses. C’est essentiel.
 
Q : Au niveau de la culture est-ce que vous pensez que la littérature francophone africaine a du mal à percer ailleurs ?
 
Nous faisons beaucoup de choses. Par exemple il y a un programme ou chaque année ont fait appel à un concours, et ont délivre le Prix de Cinq Continents. Ce prix ne consiste pas uniquement à percevoir la somme de 10 000 euros, mais il est accompagné d’une promotion du livre pendant toute l’année dans les expositions, dans les salons de livres et autres événements. Ont invite l’auteur un peu partout dans les manifestations littéraires. Donc chaque année, il y a un auteur promut et c’est pour encourager les productions littéraires du sud. Vous savez qu’ici à Genève nous sponsorisons depuis six ans le salon africain du livre et de la Culture ou ont fait venir un certain nombre d’écrivains du sud. La difficulté des écrivains du sud est accentuée par la pauvreté de l’édition, là aussi il y a un appui aux éditions africaines pour qu’il y ait « une machine encre » qui puisse fonctionner. Ce sont des préoccupations pris en compte.
 
Q : Il y a une tendance dans l’Afrique francophone : les Africains sont en train de se tourner vers l’anglais et délaissent en quelque sorte le français. Que faites – vous pour remédier à cette tendance ?
 
Nous ne sommes pas opposés à ce que les francophones parlent d’autres langues. Là vous prenez cela comme un inconvénient mais je vais vous dire que pour les Africains comme moi, c’est plutôt un avantage de parler plusieurs langues, et les Africains ont un don particulier pour les langues. Savez-vous par exemple, qu’un Sénégalais qui parle le wolof, peut posséder une autre langue maternelle ? Peut-être il parle aussi les langues de sa mère et celle de son père ? Qui peuvent en effet être de tribus différentes. Il sort déjà de la maison avec trois langues. Si vous ajoutez le français et l’anglais, cela fait cinq langues. Le Président Abdou Diouf caractérise l’Homme de demain comme étant celui qui maîtrise en plus de sa langue maternelle au moins deux langues de communication internationales. Cela est une richesse. Maintenant, il revient à la francophonie de montrer que le français offre sur le plan professionnel et sur le plan de l’épanouissement scientifique des possibilités de se développer d’où la création d’un programme au niveau universitaire et économique. Par exemple il y a un grand programme de renforcement économique des pays du sud en vue d’intégrer l’économie mondiale. Cela signifie qu’il y a des programmes de perfectionnement, des cours sur les négociations commerciales, sur la gestion de la dette, toutes les thématiques traitées à l’OMC et la CNUCED. Ces activités permettent de poursuivre la mission de la francophonie africaine afin qu’elle puisse jouer valablement sur la scène international de Genève. Tout ce qui prône le pluralisme ne nous gêne pas.
 
J’avais oublié de vous dire que dans les operateurs de la Francophonie, il y a Tele5 monde. TV5 monde avait été mis en place dans le carré francophone, et les actionnaires sont la France, la Suisse, le Canada et la Belgique précisément pour introduire un medium francophone pouvant faire un équilibre, et il joue un grand rôle.
 
Q : Lorsqu’on regarde le TV5 monde il y a surtout des informations venant du « nord » et très peu du « sud ». Que faites vous pour remédier à cela ?
 
TV5 monde est déjà « dans les mains » des pays du Nord, et il y a de nombreux pays du Sud qui tentent de rentrer dans le capital même symboliquement pour inverser cette tendance. Malgré cela il faut dire, que quand je voyage un peu partout dans le monde, je suis réconforté de voir dans ma chambre d’hôtel que TV5 pénètre et que maintenant il y a des millions de personnes qui peuvent capter TV5 même dans les pays anglophones. C’est une grande réalisation.