SUR LA ROUTE DU CINEMA
par Dan Albertini
HAOLLYWOOD : LA PENSEE, L’ECRITURE ET LA REACTION – Une thématique de réflexion nécessaire pour la création d’un cinéma haïtien (suite)
J’avoue qu’en amorçant Sur La Route du Cinéma, si je n’avais pas lu Paul Warren dans << Le Star System Américain >>, les similitudes sont à ce point hallucinantes avec ce que je cherche chez la réaction, tout aussi ce que je crains d’elle. La série HNBS étalait clairement ma pensée et ma projection en fonction des besoins. Dans les documents sur la WWII et aujourd’hui encore, avec Poutine, Obama ou Merkel, la guerre de la propagande est d’une ampleur telle qu’on se demande s’il n’eût pas mieux fallu une guerre officielle démontrant le la main de l’acteur, par sa revendication des dégâts, de sa victoire. Personne n’aurait à feindre des aphasies sans lésion. Allons vers l’échelle franco-africaine où, les crimes de l’armée française en Afrique contemporaine sont proposés comme acte libérateur. Quel cinéma, béninois ou sénégalais, aurait la vocation de rompre réellement avec ce mimétisme ? Je sais donc par défaut, d’ailleurs pour une initiative mondiale d’art, de culture, d’économie, il va falloir s’attendre à une riposte dans les règles de l’art. C’est de là, quelle pensée, quelle écriture, quelle réaction. Pour ne dire, telle. Rappelons-nous, la semaine dernière c’était : l’artiste, l’image, l’écran. Le silence serait un scénario névrotique pour la bonne raison qu’en longeant le littoral, naturel que l’on croit, s’il allait vers l’Ouest, la courbe imprévue nous mènera carrément vers le Sud. Perdu, frustré mais trop tard, ou s’enfoncer dans l’eau.
La pensée – La pensée haollywoodienne que je propose est une essence d’un peuple créateur qui s’est auto généré sur l’éclatement d’un génie barbare, celui du Code noir. Circonstancielle dira-t-on, tout est circonstancielle d’ailleurs. Mais naturel, je crois et personne ne pourra nous l’enlever. Car, on ne pouvait penser qu’un accident dans la pensée de l’homme, allait le pousser à brûler les feux rouges, vouloir déshumaniser, en rassemblant des sociétés distinctes à son service. C’était donc naturel que de reprendre sa nature. Homme. Si l’effet s’est produit chez nous aussi, cela a créé une histoire. Elle ne peut se taire. L’on y reviendra, mais le cinéma nous propose de l’immortaliser en 2014 sans en rester esclave d’une revendication prétexte ni d’une époque perdue. Pour ne pas aller plus loin, c’est-à-dire nous surpasser nous-mêmes. Le cinéma obéit à tellement de courants de pensée frivole, ce serait une erreur grave que de ne pas en introduire la nôtre. L’audace nous parle dans la peinture avec une Haïtien plutôt métissé mais tout aussi jeune, qui a pourtant réussi dans son genre et parmi les plus impressionnants. Jean Michel Basquiat qui côtoyait Andy Warhol à NYC tandis qu’ensemble ils parvinrent à afficher ce sentiment d’inadéquation. Plateforme partagée entre défi, conviction, folie. Aujourd’hui, c’est notre littérature qui perce les salons internationaux.
L’Écriture – Nous avions parlé de l’image et de l’écran en semaine dernière, en convoquant l’écriture aujourd’hui, ils nous imposent la question suivante : pour que l’écran soit partagé, imposant, quelle transformation l’image fait-elle subir à l’écriture ? C’est de là une littérature scénique qui n’obéit pas aux longues phrases, aux citations intellectuelles ou philosophiques lourdes, c’est la puissance de l’éclair. L’image doit parler d’elle-même. Cette adaptation est ainsi donc un double travail qu’impose le cinéma. Elle obéirait de préférence à notre pattern de ti kozé. Courts, imbriqués, transporteurs, spiralistes. Exercice : traduisons Hitler et, écrivons-le.
Si nous traduisions notre pensée alors que nous redécouvrons de plus en plus notre forme d’écriture. Toute une littérature, qu’elle soit orale ou écrite. Bien que je prenne souvent plaisir à nous décrire comme peuple de l’imaginaire, et cela reflète réellement la réalité, il a fallu cela pour le transformer en réalité, comment ? L’écriture peut servir d’axe symbolique et nous permettre non seulement d’enrichir le patrimoine global du cinéma, mais de créer le nôtre.
Visitons la peinture avec deux sujets opposés. D’abord avec Laurenceau et le symbolisme créole créé par l’associationnisme à l’Expressionnisme allemand emprunté pour la rigueur et l’esthétique de la discipline dans la démarche pour résoudre le problème du cœur, du fantasme. Ce qui cause de l’admiration pour son œuvre qui soulage la vie. Il en fit une industrie. Paradoxalement, l’homme cultivé qu’est Frankétienne réclame autant de culture pour apprécier : pensée, parole et personnage social morbides qu’il a tendance à nourrir comme une hystérie expérimentale sans fin sinon des paralysies hystériques périodiques pour maintenir la protestation du sujet. Alors notre théorie de la représentation finira par rendre le fait de briser un préjugé plus difficile que de briser la foi. Et, se savoir ainsi dans l’inconscient nous retardera encore cent ans plus tard. Notre cinéma sera celui de toutes les aversions. Le Frankétienne insulaire en a pourtant érigé une tour internationale prodigieuse.
La Réaction –Paul Warren s’amuse beaucoup avec le Reaction Shot depuis plus de deux décennies. Nous devons comprendre qu’elle sera toujours l’incidence de l’amalgame des éléments suivant : image-écriture, écran. Les autres comme l’artiste-acteur, sont des dérivés, mais la pensée, un générateur. Alors, conséquemment à ces trois points cités, qu’est-ce qui aurait pu arrêter, contracter, convulser ce désir chez par exemple Wilfort Estimable à Rivière des Prairies, Jean-Gardy Bien-Aimé à Miami, Bob Lemoine à New York, René Durocher à Port-au-Prince ?
En commencement par la fin, serait-ce le Reaction Shot et de là, l’indifférence ou la déception du public ? Ou, leur témérité, leur hardiesse, démontrant un cinéma haïtien naissant, et l’intelligencia de l’industrie leur aurait coupé les vivres ? Plus de financement. Ou mieux dans ce cas, le public réagissant avec tellement d’euphorie face à cette victoire naissante, aurait mis la barre tellement haute, que cette contraction serait plutôt intelligente, à savoir reculer pour mieux sauter. C’est-à-dire qu’une école merveilleuse se développe pour épater le monde ? Je crois qu’ils se doivent de s’interroger profondément sur les valeurs et sur leur intime vérité car les deux autres points précédents interpellent aussi.
L’Écriture n’est en général au point mort chez les Haïtiens à travers le monde, au contraire. On commence enfin à apprécier notre crue et le phénomène implique même l’étranger. S’il faut adapter pour le cinéma, les cinéastes déclarés n’ont encore puisé dans ce creuset. Certains se déclarent à ce point en dilettante, par la caméra. Sans sujet ni méthode, c’est l’improvisation par les émotions de l’image instantanée qui se déroule à la caméra. C’est aussi le fantasme d’une vie personnelle qui remonte en flux comme une cause sexuelle de névrosé, tant pis pour l’esthétique. L’acteur de son côté en règle général, est déjà apprivoisé, il se voit projeté dans le futur, comme dirait Aznavour dans Voir les comédiens… qui arrivent bien, << je me voyais déjà >>, << mon nom projeté en lettre de flamme >>. Le vertige amène un délire qui est peut-être la cause de cette convulsion. Tactique je l’espère. Les films sont alors d’aucune écriture, tant dans l’inspiration que dans la projection. Idée principale mort-née.
La pensée. Voyageur malgré nous, nous entretenons les goûts et phobies de la migration. C’est d’ailleurs pour cette raison que je proposais formellement en 2002 Haïti la Nation a Besoin de Stars, par une série de compilations itinérantes à travers nos communautés diversifiées, que je me proposais préalablement comme je le disais la semaine dernière, dans Radio et Télévision Haïtienne au Québec. C’était à l’origine, prendre le pouls hebdomadaire principalement le jeudi, jour de marché et jour de la paye surtout en Amérique du Nord. Les émotions étaient à fleur de peau à ce Rdv hebdomadaire : le rose beef permis, le chapeau… de la série Dynastie, la paire de souliers Aldo, Pegabo pour le bal du samedi soir… etc. La liste est longue. La caméra aurait pu compiler des images prises à fleur de peau, non pas comme un produit fini et final, mais pour une analyse des besoins, de la démarche à adopter. La définition orale de la pensée, des besoins. Créer le star-acteur. Il n’est pas trop tard certes pour le faire mais tard pour cette méthodologie. C’est de là ce que je propose aujourd’hui, la réalisation d’un symposium mondial pour la création d’un cinéma haïtien. Ce qui nous permettrait de produire un manifeste, non seulement pour affirmer cette volonté, mais pour mieux enflammer ce désir profond qui nous consume. C’est aussi pour cette raison que je ne veux décourager les pionniers par des critiques personnelles sévères. Je préfère faire flotter le fanion de la concertation tout en gardant les identités propres, les ambitions déclarées, les rêves bercés. Et, les projets ébauchés ou soutenus, pourquoi pas !
Maintenant si nous réalisions un test psychométrique avec le réalisateur haïtien en herbe dans le but de savoir lequel ira vers les documentaires, vers les fictions. Et, descendons la rive jusqu’à au fleuve, pour voir qui sera qui ou qui fera quoi. Mais surtout, lequel vaincra les paralysies hystériques pour traverser vers une véritable identité cinématographique. Cela pourrait aléatoirement choquer plus d’un et je le comprends. Ils nous accuseraient ceux-là d’élitisme et non sans raison. Je dirais par contre que certains seraient par cette réaction de meilleurs acteurs que des cinéastes, sans s’en rendre compte, bien qu’il eût fallu : impresarios, producteurs habiles pour les aider dans la transformation. Car il faut en effet l’audace d’un acteur pour endosser leurs ambitions. Voyez-vous que la démarche ne serait inutile quoique l’on pense. Je veux dire par là que notre paralysie n’a rien d’organique, c’est-à-dire par un empêchement génétique qui nous limiterait dans le cinéma. Il y aurait une bonne dizaine qui aurait déjà franchi les frontières de l’audace avec un bagage émotionnel considérable. La pensée existe mais il faut la discerner pour l’identifier, ensuite la partager. L’écriture doit être adaptée au canevas idéal car, nous sommes très loin d’être pauvres d’esprit ni de style. C’est la synthèse qui nous retient. La réaction sera mesurée dans des moules existants, mais il y a un espace propice dans la temporalité pour un développement de Haollywood.
Merci d’y croire !
