Les Palestiniens ont gagné une importante victoire diplomatique avec leur adhésion surprise à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) le 31 octobre, par 107 voix pour, 52 abstentions et 14 voix contre (dont les Etats-Unis). Le représentant palestinien Riyad Mansour explique les raisons pour lesquelles en cas d’échec au Conseil de sécurité, son pays aura encore toutes les chances d’obtenir un vote favorable à l’Assemblée générale pour un statut intermédiaire d’Etat non-membre, observateur aux Nations unies.

International NewspapersQ : Les Nations Unies ont entamé des discussions sur la question palestinienne dés la première séance spéciale de l’Assemblée Générale, en avril de 1947. Pensez-vous que l’ONU a depuis, tenu compte des réalités du pays ?
R : Il est vrai que les Nations Unies ont été impliquées sur la question palestinienne pratiquement depuis sa création. L’ONU continuera de s’impliquer, tant que la question de l’auto-détermination du peuple palestinien, l’indépendance de l’état et la question des réfugiés, ne seront pas réglés. Nous voulons que l’ONU prenne en charge toutes nos revendications et trouve une solution acceptable et acceptée par tous les palestiniens.
Q : Vous n’avez pas répondu à ma question qui était : “l’ONU tient-elle compte les changements survenus en Palestine depuis 1947 ?
R : L’ONU est composée des Etats membres lesquels sont représentés à l’Assemblée Générale, au Conseil de sécurité ainsi qu’au sein des autres agences. Prés de 1000 résolutions ont été adoptées par l’Assemblée Générale. Elles reprennent tous les aspects de la vie du peuple palestinien et de la question palestinienne. Une douzaine de résolutions sont passées devant le Conseil de sécurité. Y a-t-il une volonté au sein de la communauté internationale pour faire respecter ces résolutions ? Malheureusement pas. Israël n’est ni prêt ni disposé à mettre en application ces résolutions. Le Conseil de sécurité devrait trouver des moyens de faire pression sur Israël, comme cela fut le cas pour d’autres pays sur lesquels le CS a utilisé le chapitre 7 pour les contraindre à respecter les résolutions. Il y a des précédents dans la région de Golfe, il y a environ 20 ans, quand l’Irak a envahi le Koweït. Actuellement avec le Darfour, ou en Libye. Ce sont seulement des exemples pour illustrer la volonté politique de la Communauté internationale lorsqu’elle décide de faire respecter une résolution. Le problème provient de pays qui ont le droit de veto, et qui ne permettent pas au conseil d’utiliser des mesures incluant le chapitre 7 – ou sur les bases du chapitre 7 – pour forcer Israël à respecter les résolutions. Cela signifie t’il que nous devrions renoncer à l’ONU ? Non. Nous continuerons d’aller devant le Conseil de sécurité. Parfois, nous réussissons à faire adopter une résolution, comme ce fut le cas avec la 1860, après l’agression contre notre peuple à Gaza. Chaque année, nous parvenons à faire adopter, à une écrasante majorité, une résolution devant l’Assemblée générale, -avec une moyenne qui oscille entre 160 à 170 votes. Peu de pays votent contre. Par conséquent, nous continuerons, ne serait-ce que pour exposer Israël politiquement, juridiquement et moralement. Les Israéliens ne veulent pas être moralement exposés pour les crimes commis contre le peuple palestinien.
Q : En 2010, à la tribune de l’Assemblée générale, le Président Obama avait clairement dit qu’il espérait être en mesure d’annoncer la création de l’État palestinien en 2011. Cette année pourtant, il n’a rien dit de tel. Qu’en pensez-vous ?
R : Vous avez absolument raison. En prononçant son discours, Obama avait soulevé beaucoup d’espoir au sein du peuple palestinien. Il avait reçu une longue ovation, ce qui signifie que l’humeur, parmi les états membres, était favorable à ce concept. Malheureusement, cette année, son discours ressemblait plus à un discours de campagne électorale qu’a un discours destiné aux Etats membres. Nous espérons que le Président Obama, qui, depuis le début de sa présidence a dit de bonnes choses : gel des colonisations ; nomination du sénateur Mitchell, discours du Caire ; le discours auquel vous avez fait allusion. Ce ne sont que des exemples positifs. Les Etats-Unis d’Amérique sont un pays puissant qui a une influence incroyable dans notre région et sur les deux parties au conflit.
Q : Quelques diplomates étrangers prétendent qu’il n’y aura pas d’initiative de votre part avant le 26 janvier. Ils ne semblent pas savoir ce que vous allez décider. Ont-ils raison ?
A : Nous avons soumis notre dossier au Conseil de sécurité pour notre admission. Nous savons qu’il y a une majorité écrasante qui soutient notre dossier au Conseil. Nous savons aussi qu’il y a un état membre, avec droit de veto, qui a déclaré ouvertement, et en réunions privées, qu’il ne nous soutiendra pas et qu’il peut empêcher notre dossier de passer devant le Conseil de sécurité. Il y a des pays, -principalement des européens-, qui, alors qu’ils soutiennent notre droit à l’indépendance et notre adhésion à l’ONU, ont leurs propres vues quant au « timing » de notre action. Notre gouvernement rencontre des pays arabes amis, et d’autres, en vue de déterminer l’étape suivante. Nous explorons toutes sortes d’options : devant le Conseil de sécurité, devant l’Assemblée générale. Nous explorons aussi les agences onusiennes, puisque nous sommes devenus membre à part entière de l’UNESCO. La porte est ouverte pour devenir membre d’autres agences. Le quartet a demandé aux deux parties de s’asseoir à la table des négociations avec les plans, les vues et les idées sur les frontières et sur la sécurité, afin de permettre la reprise de négociations bilatérales. Nous avons soumis des plans sur ces deux derniers points et nous avons des plans sur tous les autres sujets litigieux. Les Israéliens n’ont rien. Ils prétendent qu’ils soumettront les leurs quand nous négocierons face à face. Pourtant, en septembre 2010, nous avons eu trois séances de négociations avec eux en face à face. Ils n’ont soumis aucune idée spécifique. Le quartet nous a donné une période de trois mois, qui expirera la dernière semaine de janvier. Les deux parties devraient se retrouver à la table des négociations avec des plans, des idées et des programmes pour tenter de trouver une solution
Q : Pensez-vous que aller devant l’Assemblée générale est une option, lorsqu’on sait que l’AG n’a pas de pouvoir contraignant-contrairement au Conseil de sécurité.
R : Si, c’est une option. C’est ce que nous a suggéré le président Sarkozy. Il nous a dit : « allez devant l’AG, renforcez votre statut en tant qu’état observateur. L’Assemblée générale pourra ensuite faire appel au CS pour considérer votre demande d’adhésion de façon positive. Cette option est d’autant plus sérieuse qu’elle renforcera notre statut, nous aidera vis-à-vis d’autres agences onusiennes et aura un impact, sur le Conseil—surtout si une résolution est adoptée devant l’AG avec 150, 160, 170 votes. Elle influencera beaucoup de pays européens, -la France, l’Espagne et d’autres, dans notre combat pour obtenir une reconnaissance bilatérale de l’état palestinien.
Q : Etes-vous satisfait de votre adhésion à l’UNESCO ?
A : Oui, car cette adhésion nous ouvre largement les portes du système de l’ONU. Cela ne signifie pas que nous sommes acceptés en tant qu’Etat membre, mais l’état palestinien est devenu une réalité, et c’est énorme. C’est significatif. C’est historique.
Q : De nombreux diplomates avaient exprimé leur crainte de voir les Etats-Unis refuser de payer leurs cotisations si la Palestine était acceptée au sein de l’UNESCO.
A : Les Etats-Unis n’ont pas fait partie de l’UNESCO pendant 20 ans. Actuellement, ils sont toujours membres, même s’ils ne paient plus leurs cotisations. Nous sommes heureux qu’ils soient restés. Nous voulons qu’ils restent au sein de l’UNESCO et nous voulons qu’ils paient leur cotisation. Nous ne faisons de mal à personne en rejoignant cette organisation culturelle et scientifique. Nous faisons partie de l’humanité, et nous voulons jouer un rôle responsable. Ce que nous avons fait est tout à fait légal au plan juridique. Nous n’avons forcé personne à voter pour nous et nous avons reçu un soutien écrasant. Du côté Israélien, de l’aveu de tous, les colonisations sont illégales. C’est contraire au processus de paix. Alors que notre action est légale et multilatérale, celle d’Israël est unilatérale et illégale. Les Israéliens devraient être forcés à respecter leurs obligations conformément à la loi internationale, et nous devrions être félicités pour l’avoir respectée.
Propos recueillis par Célhia de Lavarène à l’ONU, New York
15 jan. 2012