Le Salon africain du livre …PROMOUVOIR LE LIVRE AFRICAIN EN FRANÇAIS

Laura Richard
Laura Richard, vous gérez l’espace librairie pendant le Salon africain du livre, de la presse et de la culture de Genève. Ce salon dure cinq jours. De l’avis de tous, vous y prenez-vous ?
Laura Richard. Notre première ambition pour ce Salon est de donner une visibilité importante à la littérature africaine francophone ou autre – lusophone et anglophone traduite et traitant des thématiques africaines. Grâce aux organisateurs du Salon, nous avons un espace librairie permettant d’offrir une grande diversité d’ouvrages traitant de l’Afrique.
Nous travaillons en équipe, en amont d’abord, pour réaliser un choix de livres pertinents à chaque nouvelle édition. Cette année, le thème choisi est celui des migrations d’où la sélection d’un éventail large sur les relations entre l’Afrique et le monde. Pour pouvoir proposer une grande variété d’ouvrages de qualité, il nous faut prendre contact avec les diffuseurs en Suisse, mais également de France. En effet, certaines maisons comme Khartala et L’Harmattan, traitant principalement de thématiques relative à l’Afrique, ne sont pas diffusées en Suisse. Nous devons donc passer par des libraires partenaires, comme la librairie Folies d’Encre à St-Denis (93).
Puis sur place, notre action consiste d’une part à accueillir des auteurs dont l’écriture touche de près ou de loin à ce sujet. Il peut s’agir d’écrivains que le public suisse connaît déjà, mais aussi des auteurs de qualité peu connus en Suisse. D’autre part, la librairie offre un espace de visibilité pour des maisons d’éditions invitées, cette année nous présentons les éditions Elyzad de Tunis, AES et les Presses Universitaires d’Afrique du Cameroun, ainsi que les éditions Chandeigne et Acoria.
L’on dit aussi que votre espace est dans la région, pendant le Salon africain du livre, la librairie où l’on rencontre en si peu de jours, le plus grand nombre d’écrivains africains ou de descendance africaine qui viennent dédicacer leurs livres. Qu’en dites vous ?
Laura Richard. Il est vrai que nous avons le plaisir d’accueillir des écrivains pour des dédicaces et permettre au public d’échanger, en prolongeant ainsi les discussions animées dans l’espace débats. Cette année, nous avons eu la chance de recevoir de grands auteurs comme Patrick Chamoiseau, Dany Lafferière, Abasse N’Dione parmi tant d’autres. Nous accueillons également le prix Kourouma, décerné chaque année. Certains membres du jury, dont Nimrod et Calixthe Beyala étaient là et Christiane Kourouma nous a honoré de sa présence. Le prix 2009 a été décerné à Kossi Efoui pour son magnifique roman, Le Solo d’un revenant.
En outre, Bruce Clarke avec son exposition, Les marcheurs, évoquant les migrations de l’Afrique vers l’Europe, nous pousse à nous interroger sur notre rapport à l’autre. Il nous offre un miroir intéressant aux ouvrages que nous présentons ainsi qu’aux débats proposés par le Salon africain.
Pourriez-vous nous résumer quelques-unes des réactions du public suisse ?
Laura Richard. Elles sont diverses et variées. Il y a les connaisseurs qui viennent pour des auteurs spécifiques, car l’occasion leur est offerte de les rencontrer. Toutefois, beaucoup de gens connaissent peu l’Afrique. Grâce à l’espace débat, ils participent à des discussions et peuvent mieux cerner les thématiques africaines. Ils apprennent à parler d’Afriques au pluriel, à ne pas homogénéiser ce continent. Ils peuvent donc interagir pendant les débats et se rendre ensuite à la librairie pour approfondir leur réflexion et nourrir leur curiosité, en discutant avec les auteurs, avec les éditeurs invités.
Nous avons également le plaisir, cette année, de partager un espace avec l’Alliance internationale des éditeurs indépendants pour sensibiliser le public à la question du don de livres. Avec son action « Don de livres intelligent » l’Alliance propose aux visiteurs d’acheter sur la librairie africaine des ouvrages directement produits au Bénin, au Mali, à Madagascar et en Guinée pour ensuite les envoyer dans des bibliothèques en Afrique.
Je peux dire que dans le domaine de la réflexion et des échanges d’idées, vous êtes satisfaite. Maintenant sur le plan de la vente des ouvrages, qu’en est-il ?
Laura Richard. Le Salon africain du livre de Genève tourne bien parce qu’il génère beaucoup d’échanges. Cette année, sur le Salon, il y a eu beaucoup moins de visiteurs. J’ai pu parler avec d’autres exposants du Salon international du livre de Genève. Dans l’ensemble, ils ont aussi remarqué qu’il y a une forte baisse de fréquentation. Je ne peux que formuler des hypothèses pour expliquer le phénomène.
Ça pourrait être dû au fait que pour la première fois depuis plusieurs années, les dates ont changé : beaucoup de gens habitués à un Salon qui se tient autour du 1er mai, ont été surpris malgré la très grande publicité qui a été faite autour de l’événement. Puis, la crise économique mondiale a aussi un impact sur le Salon. Cela n’empêche pas que nous soyons content de pouvoir une fois encore satisfaire le public présent.
Une dernière question. Qu’en a-t-il été des auteurs et des acheteurs de livres ?
Laura Richard. Ils m’ont l’air très satisfaits. Des liens forts se sont crées durant ce Salon grâce aux échanges et à la curiosité mutuelle entre les divers acteurs de la manifestation. J’ai vu des auteurs partir un peu tristes car, ils ne pouvaient rester plus longtemps sur le Salon, étant pris par d’autres engagements. Quant aux acheteurs, l’envie de découvrir des nouveautés, de rencontrer l’autre et de se laisser surprendre par une littérature étrangère a été observée par nos libraires. Ici, on présente une Afrique diversifiée, et non stéréotypée. Entre la librairie et les débats, nous offrons la possibilité de s’interroger plus profondément. On voit des gens qui repartent avec le sourire parce qu’ils ont pu rencontrer des gens, mais aussi découvrir des nouvelles questions auxquelles des réponses sont proposées.
Les auteurs sont contents de pouvoir rencontrer un nouveau public, et le public est content de pouvoir repartir avec dans la valise, de nouvelles idées.
Merci beaucoup. Je souhaite longue vie à la Librairie du Salon africain du livre.
Tchaptchet Jean-Martin* jean_martint@yahoo.fr
* Ecrivain et conseiller en cooperation internationale