« Celebrate Human Rights».

« Celebrate Human Rights». C’est écrit en couleur sur le badge distribué à chaque participant venu assister vendredi 9 décembre, au 63ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans la salle du restaurant de l’ONU à New York. Navi Pillay, la Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme était présente. Parmi les invités, beaucoup se posaient la même question : y a-t-il matière à célébrer ? N’aurait-il pas mieux valu utiliser le terme « commémoration, plutôt que celui de célébration ?
Les droits de l’homme sont un concept selon lequel tout être humain possède des droits universels inaliénables, quel que soit le droit positif en vigueur ou les autres facteurs locaux tels que l’ethnie, la nationalité ou la religion. Des principes censés s’appliquer à tout être humain. Cette année, des millions de personnes sont devenus des militants des droits humains. De Tunis à Madrid, du Caire à New York, grâce aux medias sociaux qui les ont aidées à organiser des mouvements de protestation pacifique, des peuples sont descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits les plus élémentaires, demander le changement social, au prix parfois, d’une répression brutale et sanglante.
Droits de l’homme, droits humains ? Si l’on en croit les associations de défense de ces mêmes droits, ils sont bafoués, menacés, piétinés au gré des intérêts des états et des gouvernements, au gré aussi du fameux principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des états. Un principe fumeux qui sert de paravent à ceux qui préfèrent faire passer leurs intérêts commerciaux avant la protection des populations civiles. Avant les droits de leurs citoyens. Les droits de l’homme sont devenus l’enjeu d’une lutte entre l’affirmation de la souveraineté des États et le droit de chaque individu.
Pour Philippe Bolopion, directeur des Nations Unies pour l’association Human Right Watch, « lorsqu’on regarde le monde d’aujourd’hui, il y a peu de raisons de s’auto-congratuler. Il n’y a aucune raison de se réjouir de la situation globale des droits de l’homme. Certes, cette année, des progrès extraordinaires ont été accomplis au Proche-Orient notamment, avec le printemps arabe. Cela étant, force est de constater que la période d’euphorie passée, – notamment dans les pays en transition – des problèmes inquiétants surgissent. La communauté internationale va devoir fournir un immense travail pour s’assurer que dans ces pays en évolution, le respect des droits de l’homme devienne une priorité. Un pilier. »
“Lorsque nous pleurons le nombre de personnes qui ont perdu la vie dans ce combat contre la peur et pour la liberté, nous devons également célébrer le rôle des medias sociaux dans la promotion des droits de l’homme et le fait que les jeunes en sont devenus les défenseurs. Les droits de l’homme et les medias sociaux ont joué un rôle extrêmement importante dans la lutte contre l’oppression, pour la paix et la sécurité », explique Navi Pillay»
C’est grâce aux réseaux sociaux que les révolutionnaires du printemps arabe ont dénoncé et exposé les exactions de leurs dirigeants à la face du monde, notamment en Libye, forçant les membres du conseil de sécurité de l’ONU à se réunir et adopter une résolution qui a aboutie à la chute du dictateur Kadhafi, voire à son assassinat. Depuis, la Russie et la Chine, deux des cinq membres permanents possédant le droit de veto, sont atteints de ce que certains appellent ironiquement « le syndrome Libyen ». Ils refusent d’agir en Syrie au nom de la sacro-sainte « non ingérence dans les affaires intérieures d’un état. »
Les droits humains seraient-ils devenus de plus en plus une notion à dimension variable, selon que les pays possèdent ou pas des intérêts ? La question mérite d’être posée. Et que dire des droits des femmes qui dans bon nombres de pays sont inexistants, – en Afghanistan ou en Arabie Saoudite- pour ne citer qu’eux, ou dans certains pays d’Afrique dont les « seigneurs de la guerre » continuent d’enrôler dans leurs rangs des enfants soldats ; des fillettes qui servent d’esclaves sexuelles.
Pour Philippe Bolopion, « Il est clair que dans la gestion des crises par le Conseil de sécurité, il y a d’énormes différences. Pour ce qui concerne la Libye, le Conseil a réagi de manière rapide et très vigoureuse pour faire face a un risque réel. L’ONU a même parlé de crimes contre l’humanité. Pour la Syrie en revanche, le Conseil n’a rien fait. Il est évident qu’il y a deux poids deux mesures dans le traitement de ces crises. Il faudrait que les membres du Conseil soient plus consistants dans la manière dont ils abordent la question des droits de l’homme. Le veto de la Russie et de la Chine contre la résolution « Syrie » est inexcusable, et l’abstention de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du sud, qui sont des puissances émergentes, a d’une certaine manière, facilité le veto Russe et Chinois. Ces trois pays ont une immense responsabilité face à l’inaction du Conseil. Nous espérons qu’ils vont changer d’attitude. Il y a eu plus de 4000 morts en 8 mois en Syrie et toujours aucune résolution. »
Les droits de l’homme ne sont pas négociables. Ne devraient pas être négociables. C’est écrit dans la déclaration universelle des Droits de l’homme.
Célhia de Lavarène, Nations Unies, New York